le Vendredi 24 janvier 2025
le Lundi 18 septembre 2023 7:00 Récit

El Niño, l’enfant terrible qui a le dos large

Le voici : El Niño. Ou plutôt les températures chaudes qu’il provoque près des côtes de l’Équateur et du Pérou. 
 — PHOTO - Wikimedia Commons, domaine public
Le voici : El Niño. Ou plutôt les températures chaudes qu’il provoque près des côtes de l’Équateur et du Pérou.
PHOTO - Wikimedia Commons, domaine public
FRANCOPRESSE – Pas facile d’être El Niño. Tout le monde te craint. Tout le monde t’en veut. Personne ne te veut. En plus, tu as une sœur qui fait tout le contraire de toi. Ce n’est pas de ta faute si le Pacifique se réchauffe. Mais d’un autre côté, on sait tous que ce l’est. C’est toujours la faute d’El Niño.
El Niño, l’enfant terrible qui a le dos large
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El Niño en pleine action. 

PHOTO - Wikimedia Commons, domaine public

On ignore quand l’enfant est venu au monde. Apparence qu’il a lancé un grand cri. Et que le corps était chaud.

Des traces de changements dans les pluies des iles Galapagos reliées au phénomène El Niño ont été observées déjà il y a 2 000 ans. Certaines recherches indiquent plutôt une naissance il y a 5 000, voire 6 000 ans. C’est ce que disent des arêtes de poisson. Difficile de contredire de vieilles carcasses.

Si la date de naissance est plus ou moins précise, le baptême, lui, est clair. Enfin, presque. Certains affirment que le nom est apparu dès le XVIIe siècle. D’autres disent au XVIe siècle. Qui croire? Malheureusement, l’acte de baptême n’a jamais été retrouvé.

Ce sont les pêcheurs péruviens qui ont inventé le nom. Le phénomène survenait vers décembre, près de la période de Noël. Or, El Niño est l’un des noms que la population sud-américaine donnait à l’Enfant Jésus. Mais c’était loin d’être un don du ciel…

Au moins, au moins, on sait «pour sûr» que le phénomène – et le nom – ont été dévoilés au monde en 1920 par le physicien anglais Sir Gilbert Walker. C’est toujours ça.

Bien beau de parler d’où et de quand ça vient, mais voyons comment ça se passe.

Savantes illustrations montrant les changements atmosphériques provoqués par El Niño et La Niña. 

PHOTO - Wikimedia Commons, domaine public

El Niño, mode d’emploi

Les mécanismes météorologiques et atmosphériques qui mènent au phénomène El Niño sont complexes et probablement un peu ennuyants à expliquer en détail. Allons-y donc s-u-c-c-i-n-t-e-m-e-n-t.

D’abord, il y a un ralentissement – on ne sait trop pourquoi – des vents soufflant dans une grande partie de la région qui s’étend environ du nord du Mexique jusqu’au milieu du Chili.

Ces vents, nommés alizés, font habituellement remonter du fond de l’océan les eaux froides qui rafraichissent une bonne partie de la côte pacifique de l’Amérique du Sud.

L’absence ou la présence atténuée de ces eaux froides font que les courants chauds s’accumulent dans l’ouest du Pacifique et se dirigent vers le continent américain.

Lorsque la température de l’eau de surface grimpe d’au moins 0,5 oC, bingo! Il est né le div… Bien, pas très divin finalement.

Ce réchauffement provoque des tempêtes qui vont retenir beaucoup d’humidité. Ces tempêtes se moquent des courants d’air, comme le courant-jet, et larguent leur trop-plein d’humidité sur les Amériques, soit sous forme de pluie, soit sous forme de neige. Ce qu’El Niño prend, El Niño redonne…

El Niño a des effets qui se font sentir partout sur la planète. Il peut provoquer de fortes sècheresses dans des régions chaudes comme l’Australie et l’Inde et entrainer un nombre supérieur d’ouragans dans le Pacifique.

En 2015-2016, l’enfant s’est fâché

C’est comme si, en 2015, El Niño s’était levé du mauvais pied. Dans certaines régions, son impact sur la météo a été tel qu’il a provoqué des épidémies.

C’est ce qui s’est passé au Colorado et au Nouveau-Mexique, où l’augmentation des précipitations et des températures a favorisé la végétation. Qui en a profité? Les rongeurs porteurs de maladies comme la peste – oui la peste – et d’autres associées à des infections virales.

N’oublions pas qu’El Niño est péruvien. Quand El Niño est fâché, lui toujours agir ainsi.

Il semble bien que le petit enfant se fâchera de plus en plus souvent. Et de plus en plus fort. Certaines études indiquent que la puissance du phénomène a augmenté de 25 % depuis le début de l’ère industrielle.

Ainsi, le phénomène El Niño se forme plus tôt et plus à l’ouest dans le Pacifique qu’avant, ce qui lui permet d’augmenter son intensité en se dirigeant vers l’est. Les occurrences d’un «super El Niño», comme celui des années 1982, 1997 et 2015, risquent d’être de plus en plus fréquentes.

 Pêcheur péruvien en 1910 à Pacasmayo. Ce sont les pêcheurs de cette région qui ont baptisé le phénomène météorologique El Niño. 

PHOTO - Robert Ervin Coker, Wikimedia Commons, domaine public

Le Canada y goute également

Habituellement, le phénomène El Niño affecte le Canada en apportant du temps plus doux dans les régions côtières du Pacifique et de l’Atlantique. C’est l’inverse pour les Prairies et les régions au nord qui héritent alors d’hivers plus froids.

On enregistre par ailleurs une hausse des précipitations dans le sud de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, de même que dans les provinces de l’Atlantique. Cela peut se traduire par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes, de l’érosion côtière, des inondations et d’autres épisodes météorologiques violents.

Dans la période hivernale de décembre 2015 à février 2016, le mercure a grimpé d’au moins 0,5 °C au-dessus de la normale dans toutes les provinces canadiennes.

Bref, un peu n’importe quoi. Parce que tout est la faute d’El Niño.

Et la saison des ouragans?

Normalement, El Niño contribue à une réduction du nombre de tempêtes dans l’océan Atlantique, car il amplifie les vents en haute altitude qui se dirigent vers les Caraïbes. Ces vents chauds perturbent la mouvance des vents et créent un effet de «cisaillement» qui, pour ainsi dire, «déchire» les ouragans.

Or, cette année, la température des eaux dans l’Atlantique où se forment les tempêtes tropicales atteint des niveaux records, jusqu’à 5 °C de plus par endroits. L’enfant terrible du climat n’est pas de taille à faire une différence. Pour une fois, ce ne sera pas la faute d’El Niño. 

Et La Niña? Bof, on en parlera une autre fois. Pour simplifier un peu trop les choses, disons qu’elle fait tout le contraire de son frère, et parfois ses ravages sont encore pires. Mais comme c’est toujours la faute «à» El Niño, La Niña s’en sort bien.