Eya Ben Nejm – Francopresse
Si les formes de violence les plus visibles et celles qui ont tendance à recevoir le plus d’attention sont physiques, il existe une «quantité très inquiétante de violences verbales, également des situations d’intimidation et de harcèlement en lien avec les médias sociaux», rappelle la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), Stéphanie Babineau.
La violence peut aussi s’exprimer de diverses façons dans la cour de récréation, comme par l’exclusion consciente d’un enfant ou par des commentaires ou des comportements qui dénigrent et humilient, énumère la vice-présidente, Opérations cliniques et chef des services cliniques chez Jeunesse, J’écoute, Andréanne Deschamps.
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Le contexte social et scolaire
Selon le professeur au Département de psychopédagogie et d’andragogie de la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, François Bowen, «pour lutter contre la violence à l’école, il faut regarder dans quel milieu l’enfant se trouve».
Il précise ne pas faire référence aux milieux riches ou défavorisés, mais plutôt au milieu scolaire.
Les défis vont plutôt surgir en fonction du style de gestion de la direction, du personnel, des pratiques éducatives et surtout des «ressources qui sont mises en place pour soutenir les enfants», détaille-t-il.
Dans le cas du harcèlement, si le milieu éducatif ne réussit pas à encadrer et résoudre le problème, le harceleur continuera ses actions. Celui-ci voit dans l’intimidation un moyen de «prendre du prestige, parce qu’il vient avec des supporteurs, des bystander».
Le professeur critique aussi la phrase parfois prononcée par les adultes dans la cour de récréation : «Ce n’est pas grave, ils se chamaillent.» En ignorant une situation peut-être plus problématique, les adultes n’élèvent pas de barrières contre les actions des harceleurs.
De plus, un conflit entre des élèves et du harcèlement sont deux problèmes distincts. Ils doivent être résolus de manière différente, puisqu’on ne parle pas ici des mêmes mécanismes psychologiques, précise François Bowen.
Des jeunes qui se disputent n’ont pas appris à réguler leurs émotions trop fortes, donc ils se précipitent dans un conflit avant d’essayer de régler le problème d’une autre façon. Dans le cas du harcèlement, l’intimidateur agit par intérêt personnel et peut être dépourvu d’empathie.
Le pouvoir de dénoncer
Dénoncer peut être difficile pour les jeunes enfants témoins de harcèlement, informe Andréanne Deschamps. Ils peuvent toutefois discuter avec la victime, lui dire que ce qui se passe n’est pas normal et l’aider à aller en parler à un adulte.
Ça permet de «démontrer qu’on est allié avec l’autre jeune, que ce soit un ami ou pas, de la classe ou dans l’école, qui a subi ce comportement-là. Ça peut déjà avoir un effet très positif pour la personne qui le subit».
Une autre solution est de confronter le harceleur en groupe pour lui dire que son comportement n’est pas acceptable. La vice-présidente de Jeunesse, J’écoute explique que l’effet de groupe peut parfois arrêter les agresseurs.
Les jeunes témoins peuvent aussi en parler avec des adultes, tels que leurs parents, qui pourraient à leur tour en informer la direction du cas de l’élève harcelé, ajoute Andréanne Deschamps.
Ressources adaptées
Parfois, les ressources mises en place par les écoles ne répondent pas aux besoins des enfants, indique Stéphanie Babineau.
Par exemple, depuis l’adoption du projet de loi 85 au Nouveau-Brunswick en 1986, les enfants avec des besoins particuliers sont intégrés aux mêmes écoles que les autres enfants. Toutefois, les ressources pour aider ces enfants ne sont pas disponibles dans toutes les écoles, affirme-t-elle.
Pour offrir les ressources nécessaires, il reste indispensable d’avoir du financement, déplore la présidente de l’AEFNB.
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Stéphanie Babineau tient à rappeler que malgré une bonne formation de pédagogue, les enseignants ne sont pas des experts en psychologie ou des émotions. Il est préférable d’avoir un psychologue, un travailleur social ou un intervenant en toxicomanie, souligne-t-elle.
L’accès à ce genre de services dans les écoles francophones peut être long, ce qui peut permettre à la situation de s’envenimer. Le moment venu, les psychologues doivent «intervenir avec les élèves qui sont en situation de crise parce qu’on va chercher à éteindre le feu en premier», souligne Stéphanie Babineau.
François Bowen rappelle qu’un psychologue est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut former les directions d’école, les éducateurs spécialisés et les enseignants à la prévention. Il faut effectuer un travail d’équipe, encourage-t-il.
À l’extérieur des murs de l’école, il y a des services d’aide, comme Jeunesse, J’écoute, disponible partout au Canada 24 heures sur 24, rappelle Andréanne Deschamps.
En plus du service de texto, l’organisme propose des outils pour apprendre à gérer sa colère, ses émotions, trouver des alliées. Il peut en outre offrir des ateliers en ligne pour les classes afin d’aborder divers sujets, comme le bienêtre, l’intimidation et la violence.
Besoin de l’intelligence émotionnelle
Pour prévenir la violence et le risque de harcèlement, François Bowen encourage les établissements à développer l’intelligence émotionnelle chez les jeunes.
«La gestion de la colère, la gestion des conflits, ce sont des choses qui font partie d’un apprentissage normal pour tous les jeunes, puis aussi dans notre vie adulte», appuie Andréanne Deschamps.
D’ailleurs, Stéphanie Babineau observe que les enfants «ont beaucoup de défis quand ça vient à la régulation de leurs propres émotions, quand ça vient à la gestion de situations plutôt difficiles».
L’objectif est donc d’outiller les enfants pour gérer des évènements stressants, explique François Bowen. Se faire exclure d’un groupe d’amis ou avoir de la difficulté en amitié peut être une source de stress et de mal être.
L’intelligence émotionnelle permet aussi de développer l’empathie, ce qui manque surtout chez les intimidateurs. Cela réduirait le nombre de cas de harcèlement, propose François Bowen.