Selon un sondage mené par le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) en avril 2024, 41 % des francophones en situation minoritaire se trouvent dans une situation financière précaire.
La même proportion affirme que sa situation s’est détériorée au cours des 12 derniers mois. Ce constat est le même dans la population canadienne générale. Selon Angus Reid, 42 % des Canadiens et des Canadiennes pensent aussi que leurs finances sont pires que l’an dernier.
La précarité financière perçue par les francophones hors Québec reste également similaire à celle de la population en général. D’après un sondage du Canadian Maru Household Outlook Index, 55 % des Canadiens sont inquiets pour leurs finances et 43 % d’entre eux ont du mal à joindre les deux bouts.
Selon le sondage du RDÉE, le groupe d’âge des 55 ans et plus est celui dont la situation financière s’est le plus détériorée. Les francophones de 55 à 74 ans ont répondu à 56 % que leur situation financière s’est détériorée et 67 % des 75 ans et plus font le même constat.
«Ce sont des gens qui ont bâti nos communautés […] et qui ne retourneront probablement pas sur le marché du travail, dont les revenus ne suivent absolument pas la hausse des couts […]. Ce genre d’information peut être utile pour les gouvernements», dit le président-directeur général du RDÉE, Yan Plante, en entrevue avec Francopresse.
Parmi les 41 % de francophones en situation précaire, 67 % attribuent leur situation au cout de la vie. Et ils n’ont probablement pas tort : selon Statistique Canada, l’Indice des prix à la consommation (IPC) a grimpé de 2,9 % entre mai 2023 et mai 2024.
Des préoccupations variées
Selon Yan Plante, le sondage démontre qu’il faut continuer à améliorer les conditions des francophones «en soutenant ceux qui cherchent un emploi, les employeurs et les communautés quand elles ont des projets de développement économique».
Le cout de la vie, l’inflation, bref le prix à payer pour vivre, «[…] c’est l’enjeu numéro un dans la population canadienne, peu importe la langue dont on parle. Les francophones ne sont pas différents de ça», dit-il.
La population générale s’inquiète au sujet de l’économie et de l’accès au logement, de l’environnement et de l’accès aux soins de santé.
Les francophones en situation minoritaire sondés par le RDÉE ont surtout parlé de cout de la vie, d’inflation, d’accès aux services en santé, de changements climatiques, d’accès au logement et de criminalité comme étant leurs préoccupations principales.
La protection du français arrive en sixième place derrière ces enjeux.
À lire aussi : Budget 2024 : la stratégie de la dernière chance pour les libéraux? (Chronique)
Protection des communautés
De manière générale, 41 % des francophones en situation minoritaire pensent que leurs droits linguistiques sont peu ou pas du tout protégés dans leur région. Mais la majorité constate une amélioration de la protection par rapport aux cinq dernières années.
Yan Plante estime que le contexte y est pour beaucoup. Il y a environ cinq ans, le projet de l’Université de l’Ontario français et la survie du Campus Saint-Jean en Alberta étaient menacés, et un nouveau gouvernement au Nouveau-Brunswick inquiétait les francophones, rappelle-t-il.
«Je pense que les données devant nous démontrent que les gens reconnaissent que dans les cinq dernières années, particulièrement le gouvernement fédéral a fait des avancées avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles, un nouveau Plan d’action pour les langues officielles. La mer est plus calme, si on veut.»
Quant à l’avenir de leurs communautés, les sondés sont ambivalents : 5 % sont très pessimistes, 19 % plutôt pessimistes, 27 % plutôt optimistes et 14 % très optimistes.
Si la majorité des personnes interrogées reste partagée sur l’aide gouvernementale pour le développement économique de leurs communautés, 18 % estiment que le gouvernement fédéral en fait trop et 17 % pensent de même pour les gouvernements provinciaux.
D’ailleurs, selon 15 % des répondants, ce n’est pas aux gouvernements d’assurer la vitalité économique des communautés.
À lire aussi : Les finances des organismes francophones toujours dans le rouge
Il reste que l’accès aux services en français demeure difficile. Les loisirs, les évènements culturels, les lieux touristiques et les services sociaux et de santé sont des secteurs auxquels une proportion significative de francophones peine à accéder dans leur langue.
Néanmoins, ces données n’illustrent pas forcément un déclin dans l’offre des services. Par exemple, 60 écoles élémentaires et secondaires francophones en milieu minoritaire ont été créées entre 2016 et 2021.
Les vestiges de la pandémie
Quatre-vingt-deux pour cent des répondants estiment que les entreprises francophones sont essentielles à la survie de la langue française dans leurs régions.
La majorité y reste d’ailleurs attachée ou très attachée, comme en témoigne leur mode de consommation : 52 % disent faire des achats en entreprise et commerce francophones, 28 % le font parfois.
Sur une note moins positive, selon 30 % des francophones en situation minoritaire, la pandémie de COVID-19 a entrainé la fermeture d’entreprises francophones et bilingues. La couverture médiatique lors de cette époque le confirme.
Mais c’est une autre conséquence de la pandémie qui marque le plus les sondés : la première place est accordée à l’inflation, à 76 %. En deuxième place se trouve la santé mentale, à 44 %.
«Ça m’a frappé, raconte Yan Plante. Il y a des gens qui souffrent, qui ont besoin d’aide et [en même temps], on manque de personnel qui parle français dans le milieu de la santé.»
Le secteur de la santé est effectivement celui qui a été le plus souvent identifié par les francophones comme étant en demande de main-d’œuvre, suivi par l’enseignement et la construction.