le Mercredi 11 septembre 2024
le Lundi 13 mai 2024 9:00 Nouvelles

Écoanxiété : miser sur les énergies renouvelables pour calmer les angoisses climatiques

La Ville de Summerside a fait le choix des énergies renouvelables dès 2005, avec l’ambition d’être carboneutre et autonome en énergie.  — PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse
La Ville de Summerside a fait le choix des énergies renouvelables dès 2005, avec l’ambition d’être carboneutre et autonome en énergie.
PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse
FRANCOPRESSE – Pour certains habitants de Summerside, à l’ouest de l’Île-du-Prince-Édouard, les efforts de la Ville pour produire davantage d’électricité verte contribuent à combattre leur écoanxiété. La municipalité produit environ 62 % de son énergie et vise l’autosuffisance énergétique d’ici cinq à dix ans.
Écoanxiété : miser sur les énergies renouvelables pour calmer les angoisses climatiques
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«Cette énergie renouvelable et locale permet aux citoyens de se réapproprier leurs sources de production d’électricité. Ils savent d’où elle vient, c’est concret», estime Greg Gaudet, directeur des services municipaux de la Ville de Summerside. 

PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse

«On parle beaucoup d’écoanxiété […] Les gens ont l’impression de ne plus avoir de prise sur rien dans leur vie. Avec ces projets, on peut leur redonner du pouvoir», considère Andrew Smith, résident de Summerside, la seconde agglomération de l’Île-du-Prince-Édouard.

«Personnellement, j’ai rendu mon énervement positif et cela me permet de faire quelque chose, même si ce n’est qu’une minigoutte d’eau», ajoute le militant de longue date des énergies renouvelables. 

Panneaux photovoltaïques sur le toit, voiture électrique, borne de recharge ultrarapide, le quinquagénaire a fait de son logement un modèle de maison écologique.

Au-delà de la production d’énergie, Andrew Smith s’intéresse aussi à sa consommation : «Je n’ai pas attendu que le mot sobriété s’impose dans le débat pour faire des écogestes en baissant le chauffage, en installant des pompes à chaleur ou en limitant mes déplacements en voiture.» 

Les efforts de l’insulaire ne sont pas dus au hasard. Il habite dans une ville qui s’est positionnée ces dernières années comme l’un des champions canadiens des énergies renouvelables.

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Greg Gaudet fait notamment visiter le parc solaire Sunbank à des élèves de Summerside. 

PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse

Les éoliennes produisent plus du tiers de l’énergie nécessaire à la collectivité de Summerside. 

PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse

«Assurer notre souveraineté énergétique»

Depuis le début des années 2000, Summerside, qui possède son propre service public d’électricité, a repris en main son destin énergétique.  

En 2005, le conseil municipal a adopté un premier plan stratégique avec l’ambition de produire une électricité entièrement verte grâce au solaire et à l’éolien.

«Nous n’avons ni gisements de combustibles fossiles ni nucléaire, mais nous avons du soleil et surtout du vent à revendre», relève Greg Gaudet, directeur des services municipaux de Summerside. 

«Notre dépendance énergétique à l’égard des autres provinces préoccupe depuis longtemps nos élus. Ça les a incités à prendre de manière décidée le virage des énergies renouvelables pour assurer notre souveraineté énergétique», poursuit-il.

Au milieu des champs, l’ingénieur conduit sa voiture au pied de quatre éoliennes de plus de 100 mètres de haut, construites en 2009. Leurs pales rugissantes produisent 12 mégawatts, plus du tiers de l’énergie nécessaire à la collectivité.

Dans le centre-ville, un autre parc solaire de 336 kilowatts a été installé en 2017, également avec un système de batteries.

Surtout, la municipalité a inauguré en décembre dernier une nouvelle centrale photovoltaïque de 30 hectares. 

Au détour d’un quartier résidentiel, à l’arrière de champs de terre rouge, plus de 48 000 panneaux photovoltaïques s’étendent en rangs serrés sur un terrain à l’ouest de Summerside. 

Le parc solaire Sunbank, d’une puissance installée de 21 mégawatts, est capable de fournir environ 25 % de l’électricité nécessaire aux quelque 15 000 habitants de la ville. 

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Construites en 2009, les quatre éoliennes de plus de 100 mètres de haut produisent 12 mégawatts. 

PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse

Énergie renouvelable et locale…

Greg Gaudet et son équipe d’ingénieurs ont couplé les panneaux avec un système de batteries lithium-ion qui permet de stocker le surplus d’énergie produit le jour en vue de le distribuer quand les habitants en ont le plus besoin.

Ces batteries peuvent stocker 10 mégawattheures, ce qui équivaut, en moyenne, à l’électricité consommée quotidiennement par 1700 foyers.

«C’est le premier parc solaire de cette ampleur au Canada atlantique et il nous rapproche de notre objectif d’être carboneutre et autonome en énergie d’ici cinq à dix ans», se félicite Greg Gaudet.

Summerside doit encore acheter 30 % de son électricité aux provinces voisines de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. 

«Cette énergie renouvelable et locale permet aux citoyens de se réapproprier leurs sources de production d’électricité. Ils savent d’où elle vient, c’est concret, estime Greg Gaudet. Ça les responsabilise. Ils sont comme associés à une transition énergétique à petite échelle.» 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un Canadien émet en moyenne 17,7 tonnes de gaz à effet de serre par an (dernières données disponibles de 2020), contre 2,7 tonnes pour un habitant de Summerside, selon le dernier rapport de la ville sur l’inventaire des émissions de gaz à effet de serre. 

«C’est un formidable levier d’accélération de la transition pour faire face au réchauffement climatique», salue le résident Andrew Smith. 

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Le système de batteries lithium-ion permet de stocker le surplus d’énergie produit le jour par les panneaux solaires en vue de le distribuer quand les habitants en ont le plus besoin, en particulier durant la nuit. 

PHOTO: Marine Ernoult – Francopresse

… à un cout abordable 

La municipalité ne se contente pas de réduire son empreinte carbone, elle s’attèle également à mettre en œuvre une transition énergétique socialement juste.

En 2012, Summerside a lancé le programme Heat for Less Now. Un réseau d’appareils intelligents, installés chez des résidents, peut stocker l’énergie excédentaire dans les maisons sous forme de chaleur plutôt que d’électricité. 

«Ce système permet d’injecter à distance nos surplus d’énergie solaire ou éolienne et ainsi de lutter contre l’intermittence des énergies renouvelables», explique Greg Gaudet.

Les 400 foyers qui participent aujourd’hui au programme bénéficient de tarifs considérablement réduits.

Après les «débuts compliqués» de l’éolien et du solaire, Greg Gaudet assure que la population soutient le mouvement vert lancé par les autorités municipales. 

«Les gens ne comprenaient pas pourquoi leur facture ne baissait pas. Ils pensaient que le vent et le solaire leur donneraient de la lumière gratuite», se souvient le responsable. 

«Mais grâce à nos efforts de sensibilisation et d’explication, notamment auprès des plus jeunes, les mentalités sont en train d’évoluer», rassure-t-il. 

Les services municipaux organisent notamment des parcours éducatifs avec les élèves des écoles autour des éoliennes et des parcs solaires.

L’exercice démocratique de réappropriation des enjeux énergétiques que mène Summerside est d’autant plus important dans un contexte de crise environnementale. 

«Des initiatives comme celles-là sont des amortisseurs de crise. Les habitants et les élus locaux contribuent à des circuits courts de l’énergie et prennent davantage leurs responsabilités», affirme Melissa Myers, une résidente de Summerside. 

À cet égard, l’insulaire aimerait que le modèle de Summerside inspire des villes aux quatre coins du pays. Quant à la municipalité, elle étudie la possibilité de recourir à l’hydrogène pour atteindre une totale indépendance énergétique.