L’affaire trouve son origine deux jours auparavant, le 6 mai, quand le député libéral de la circonscription ontarienne de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin, a tenu des propos controversés lors d’une réunion du Comité permanent des langues officielles.
Il a notamment traité des témoins d’«extrémistes» et de «pleins de marde» après leur présentation durant laquelle ils ont avancé que les établissements d’enseignement postsecondaire anglophones du Québec contribuent à l’anglicisation de la province.
Le député a rapidement retiré ses propos et, le lendemain, s’est dit désolé s’il a pu vexer les témoins. Mais ces excuses n’ont pas satisfait le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, qui a demandé la démission de M. Drouin comme président de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (CAPF).
«Pour ne pas encore passer pour des sordides barbares et passer à autre chose, est-ce que le premier ministre peut demander la démission du député de l’Assemblée […] et s’excuser à tous nos partenaires de la francophonie?», a-t-il demandé lors de la période de questions du 8 mai en Chambre des communes.
Échange d’accusations
En réponse, Justin Trudeau s’est porté à la défense de son collègue libéral et a accusé le Bloc québécois de ne «jamais défendre les francophones hors Québec».
«La responsabilité du gouvernement fédéral libéral, c’est de défendre les langues officielles à travers le pays, c’est de défendre le français au Québec, mais aussi de défendre le fait français partout au Canada», a insisté le premier ministre.
«On restera là pour défendre les minorités linguistiques à travers le pays, mais ça ne devrait pas surprendre personne que, le plus récent cheval de bataille du Bloc québécois, c’est de s’attaquer à un Franco-Ontarien. Ils savent très bien qu’ils n’aiment pas les francophones qui parlent français hors Québec.»
Le chef bloquiste est revenu à la charge quelques minutes plus tard. «Qu’est-ce qui n’est pas de la chicane pour le premier ministre? Promouvoir la petite colère scato de son député et ami?»
Justin Trudeau a rappelé les excuses émises par Francis Drouin et a réitéré que «le Bloc s’attaque à un député franco-ontarien, s’attaque aux communautés linguistiques minoritaires à travers le pays».
À cela, Yves-François Blanchet a accusé son adversaire de chercher à diviser les francophones du Québec et les francophones hors Québec. Il a aussi rappelé avoir tenté de parler de ces derniers lors du débat des chefs en anglais de la dernière campagne électorale fédérale, mais que sa demande avait été refusée.
Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a aussi voulu s’immiscer dans cette affaire. Comme Yves-François Blanchet, il a demandé la démission de Francis Drouin comme président de la CAPF. Il l’a aussi accusé d’avoir «utilisé un langage ordurier».
Rappelons qu’il y a à peine une semaine, Pierre Poilievre a lui-même été expulsé de la Chambre des communes pour avoir emprunté un mot jugé non parlementaire par le président de la Chambre.
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À la fin de la période de questions du 8 mai, le député conservateur Joël Godin a demandé au président de la Chambre d’exiger des excuses officielles en Chambre de la part de Francis Drouin ainsi que de condamner ses paroles tenues en comité.
«La présidence peut intervenir quand les députés utilisent des mots non parlementaires sur le parquet de la Chambre des communes. On va attendre le rapport du comité», a répondu le président de la Chambre, Greg Fergus.
Thématique de la semaine
Les tensions entre libéraux et bloquistes ne se sont pas manifestées seulement lors de la réunion du Comité des langues officielles du 6 mai et des échanges à la Chambre des communes le 8 mai.
Le 7 mai, le député libéral franco-ontarien Marc Serré a lancé une flèche au député bloquiste Martin Champoux lors de la réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
«J’aimerais ça Martin, plus tard, que tu parles un peu de l’importance de la francophonie hors Québec», a dit Marc Serré lors d’un échange sur l’avenir de Radio-Canada/CBC.
Le député bloquiste a répondu : «Je voudrais rassurer mon collègue. Le Bloc québécois est assez virulent sur cette question-là. Quand on protège Radio-Canada […], ce sont les Québécois qu’on protège, mais ce sont aussi, par défaut et par rebond, tous les francophones au Canada qui profitent et apprécient eux aussi avoir un diffuseur public en santé et de qualité.»