le Mercredi 18 septembre 2024
le Vendredi 19 avril 2024 10:00 Nouvelles

Budget 2024 : manque de financement pour les organismes francophones

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déposé le budget 2024 le 16 avril.  — PHOTO: Julien Cayouette – Francopresse
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déposé le budget 2024 le 16 avril.
PHOTO: Julien Cayouette – Francopresse
FRANCOPRESSE – Plusieurs organismes francophones en milieu minoritaire notent des absences importantes dans le budget fédéral 2024 pour assurer la pérennité de leurs communautés, malgré l’investissement pour appliquer la Loi sur les langues officielles.
Budget 2024 : manque de financement pour les organismes francophones
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Nancy Juneau soutient que le milieu culturel canadien est toujours fragilisé par la précarité des emplois, la pénurie de main-d’œuvre et l’augmentation faramineuse du cout de la vie. 

PHOTO: Courtoisie

Dans le budget fédéral, déposé mardi par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, le gouvernement prévoit de verser sur cinq ans 26 millions de dollars au ministère du Patrimoine canadien, au Secrétariat du Conseil du Trésor et au Commissariat aux langues officielles, afin d’appuyer la mise en œuvre de la Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.

«Ce sont de très bonnes nouvelles, parce qu’on avait demandé qu’il y ait des fonds d’alloués spécifiquement pour ça. Ça nous réjouit beaucoup [de savoir] qu’on a été entendus sur cette demande-là», lance la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy.

Même son de cloche du côté de Guillaume Deschênes-Thériault, doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Cependant, «les détails, comment est-ce que cette enveloppe-là va être distribuée [sont absents], mais en soi, c’est une bonne nouvelle qu’on ait investi pour la mise en œuvre de la loi», précise-t-il.

À lire : Budget 2024 : Ottawa garde une petite place pour la francophonie

Pas de financement pour les organismes de la francophonie

Par contre, «il n’y a pas de fonds spécifiques qui vont pour le financement de base des organismes de la francophonie canadienne», se désole Liane Roy.

Guillaume Deschênes-Thériault se réjouit du financement de 9,6 millions de dollars pour accroitre la capacité des tribunaux à fournir des décisions traduites en français et en anglais. 

PHOTO: Courtoisie

En 2022, la FCFA démontrait, par le biais d’un mémoire, que les organismes francophones et acadiens du Canada étaient en situation précaire.

Alors que l’organisme demandait une augmentation de 280 millions de dollars sur cinq ans pour le financement de base des organismes de la francophonie canadienne, le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 proposait seulement 62,5 millions sur cinq ans.

«On pensait peut-être qu’il allait y avoir une bonification dans le budget cette année», indique Liane Roy.

Par ailleurs, elle ajoute que l’allocation des fonds annoncés dans le Plan d’action en avril 2023 s’est fait «très, très tard», soit juste avant la fin de l’année fiscale, ce qui a causé des mises à pied dans plusieurs organismes et associations francophones, assure-t-elle.

Une promesse non tenue pour les collèges et les universités

Lors de sa dernière campagne électorale, Justin Trudeau avait promis un investissement permanent de 80 millions de dollars par année pour les collèges et les universités francophones à l’extérieur du Québec.

Cependant, seulement 128 millions de dollars sur cinq ans ont été alloués dans le cadre du Plan d’action sur les langues officielles, en plus des 30,4 millions pour la période 2023-2024 qui avaient été annoncés dans le budget de 2021.

«C’est une promesse du Parti libéral qu’on avait l’espoir de voir se concrétiser», souligne le directeur de la recherche stratégique et des relations internationales de l’Association des collèges et des universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Martin Normand.

Liane Roy est satisfaite des nombreuses annonces du budget 2024 pour les services de garde et la mise en œuvre de la nouvelle Loi sur les langues officielles, mais elle reste déçue du manque de financement pour les organismes francophones en milieu minoritaire. 

PHOTO: Chantallya Louis – Francopresse

Que ça soit en matière d’infrastructure, d’offres de programmes, d’incitatifs, etc., «il y a plein de choses qu’on pourrait faire avec ce 80 millions-là pour rendre le secteur postsecondaire francophone encore plus attrayant qu’il l’est pour la clientèle domestique».

Guillaume Deschênes-Thériault est du même avis. Un financement de cette envergure «permettrait une meilleure stabilité financière des établissements et de contribuer à leur développement et aussi de contribuer de manière large à la vitalité des communautés, parce que les universités et collèges jouent un rôle important à la vitalité des communautés francophones».

À lire : Postsecondaire francophone : le fédéral n’assume pas toutes ses responsabilités

Une tentative pour sauver les meubles en arts et cultures 

La présidente de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Nancy Juneau, salue les efforts apportés par la ministre Chrystia Freeland pour soutenir le secteur culturel canadien, «mais on ne peut pas dire que ça répond aux besoins de l’ensemble du milieu».

Selon elle, l’enveloppe de 31 millions de dollars sur deux ans proposée dans le budget pour le Fonds du Canada pour la présentation des arts reste une reconduite des montants supplémentaires qui avaient été octroyés pendant la pandémie.

«Le milieu avait demandé qu’un 31 millions soient ajoutés et ça, ça n’a pas été fait […]. Ça remet les organismes encore dans un statut de précarité parce qu’on ne peut pas planifier à long terme», déplore-t-elle.

Martin Normand regrette l’absence de fonds permanents pour le postsecondaire francophone en milieu minoritaire. «On ne peut pas renouveler le secteur à coup d’initiatives ponctuelles.» 

PHOTO: Guillaume Lamy

Nancy Juneau donne aussi l’exemple des 10 millions de dollars sur trois ans qui ont été ajoutés au Fonds du livre du Canada : «C’est à peine un tiers de ce que demandait le secteur, soit 35 millions sur 3 ans.»

«L’impression globale que j’ai, c’est qu’on a tenté de sauver les meubles», lâche-t-elle.

De son côté, l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC) se réjouit des annonces de la ministre.

Selon l’organisme, les 42 millions de dollars supplémentaires pour CBC/Radio-Canada pour l’année 2024-2025 sont aussi une bonne nouvelle pour les communautés de langue officielle en milieu minoritaire. Ce montant aidera la société d’État à «rendre compte de la diversité régionale du pays et refléter la situation et les besoins particuliers des collectivités de langue officielle», rapporte l’APFC par voie de communiqué.

Par ailleurs, le coprésident de Réseau.Presse (organisme éditeur de Francopresse), Nicolas Jean, se réjouit de savoir que le gouvernement reconnait l’importance de desservir les communautés rurales, éloignées, et de langue minoritaire à travers l’Initiative de journalisme local (IJL).

Néanmoins, «il ne faut pas perdre de vue que nos journaux [membres] contribuent déjà à renforcer la démocratie de ces communautés en couvrant des enjeux locaux qui n’auraient pas été abordés autrement», partage-t-il par courriel.

Bien que Nicolas Jean voit d’un bon œil le réinvestissement de 58,8 millions de dollars sur trois dans l’IJL, confirmé le 1er mars dernier, il aurait aussi voulu voir un allègement des critères entourant l’accréditation d’organisation journalistique canadienne qualifiée (OJCQ), pour obtenir un crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique.

«Malheureusement, quelque 85 % de nos journaux n’y sont pas admissibles, car ils n’ont pas les moyens d’employer deux journalistes, une des conditions essentielles pour obtenir l’accréditation de l’OJCQ», avance-t-il.