Pendant toute la durée de notre échange, via ses mots et son énergie contagieuse, j’ai pu ressentir la passion de Daniel vis-à-vis de sa mission actuelle avec le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP), mais aussi envers ses expériences antérieures.
Daniel est présentement basé dans la région de Clare, près de Saulnierville.
Daniel accomplit différentes tâches dans son poste actuel. « En gros, j’ai la responsabilité de la planification de la mise en œuvre de l’animation et programmation culturelle provinciale, pendant l’année scolaire et pendant la période estivale, explique-t-il. Je suis aussi responsable des agents de développement scolaire communautaire de la région sud. »
Ses origines
« Mon père est un anglophone, mais c’est un fier défendeur de la culture et de la langue francophones ».
La famille paternelle a emménagé à Saint-Quentin, alors que son père était encore très jeune. C’est là où il a appris le français.
Du côté de la famille de sa mère, ils sont plutôt originaires de la région du Saguenay, au Québec. Daniel a donc grandi dans la dualité linguistique. « Je pense que, sans que je m’en rende compte, ça a eu un impact sur ce que je fais aujourd’hui », confie M. Pitre.
Son parcours
Daniel Pitre a un baccalauréat en théâtre de l’Université de Moncton. Pendant ses études, il a trouvé un emploi à temps partiel comme moniteur de langue avec le programme Odyssée.
« J’étais à l’École Amirault de Moncton. Je vais toujours me souvenir de cette école-là. J’ai tellement aimé mon expérience que ça m’a donné envie de poursuivre là-dedans après mes études. »
Daniel m’a confié que lorsqu’il a commencé le théâtre, il n’avait pas l’intention de se diriger vers les écoles avec ce bagage. « J’me souviens de la première classe. C’était une classe de maternelle. Je devais passer 15 minutes avec eux pour faire une petite activité», raconte-t-il.
« J’étais hyper sur les nerfs. L’enseignante m’a dit “calme-toi Daniel, c’est juste des enfants de 6 ans”. Finalement, j’ai passé une heure avec eux, à m’amuser pis à faire des activités. Ils ne voulaient plus que je parte. »
« Depuis ce temps-là, j’ai eu envie de continuer dans les écoles. J’ai continué à travailler le théâtre et j’ai fait beaucoup d’impro aussi. Je trouve que ce sont des outils formidables pour la construction identitaire. »
M. Pitre a constaté que lorsque les jeunes font de l’improvisation, l’insécurité linguistique diminue, puisqu’ils sont dans le feu de l’action.
M. Pitre a ensuite continué avec le programme Odyssée pendant un an au Manitoba puis il s’est dirigé en Ontario. « Après avoir refait le programme, j’ai commencé comme animateur culturel, dans un conseil scolaire francophone à Toronto. Pendant quatre ans, j’étais animateur culturel. Ça ressemble un peu à un agent de développement scolaire communautaire.»
Il a travaillé un autre six ans comme agent de développement communautaire pour la Cité-Des-Jeunes-A.-M. Sormany à Edmundston, au nord du Nouveau-Brunswick. « Ensuite, je me suis dirigé vers la Nouvelle-Écosse. J’ai continué ce parcours d’agent de développement scolaire et communautaire pour le CSAP pour un autre trois ans. »
M. Pitre est ensuite parti vers l’Île-du-Prince-Édouard, où il a occupé un poste de directeur général pour l’organisme par et pour les jeunes, Jeunesse Acadienne et Francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (JAFLIPE).
« Je crois beaucoup au pouvoir des communautés francophones en milieu minoritaire, déclare-t-il. Je trouve que c’est le fun de développer le sentiment d’appartenance pour la culture acadienne et francophone via les arts. Je pense que c’est important dans la construction identitaire et ça me motive beaucoup. »
Daniel raconte qu’il a beaucoup aimé sa première expérience en Nouvelle-Écosse. « J’avais envie de revivre cette belle énergie-là. J’suis là aujourd’hui et je suis vraiment heureux de revenir. C’est ma province favorite dans toutes les provinces que j’ai vue.»
Daniel confie également à quel point le par et pour les jeunes a influencé sa vie et ses choix.
« Ça a vraiment été un élément déclencheur pour moi que les adultes écoutent ce que les jeunes avaient à dire. J’ai envie de redonner ça aux jeunes d’aujourd’hui. Je veux qu’ils soient entendus et compris. Leur opinion est importante parce qu’ils ont une responsabilité de faire que leur communauté reste vivante. Ce sont les leadeurs de demain.»
Projets en cours
Daniel Pitre et ses collègues et le théâtre Biscornu viennent de terminer un projet de tournée dans les écoles du CSAP. « Les jeunes ont eu droit à des ateliers d’improvisation suivis d’un spectacle, dit-il. Nous désirons, en collaboration, avec nos partenaires, en particulier le Conseil jeunesse provincial, assurer le développement et la mise sur pied viable d’une ligne d’improvisation dans nos écoles. »
« Je trouve que quand les jeunes font de l’improvisation, tout le côté insécurité linguistique part. Il n’y a plus vraiment de je devrais dire ça comme ça, c’est-tu le bon français… ça sort comme ça sort, et ça, c’est merveilleux, dit-il. C’est un projet qui me tient beaucoup à cœur. »
Projet personnel
Daniel Pitre est un amoureux de la nature. Il y passe beaucoup de temps avec sa chienne Blondie, un labrador blond, et adore faire des randonnées avec elle.
Il m’a parlé d’une expérience qu’il a vécue dans les dernières années. « J’ai commencé un projet sur l’Île-du-Prince-Édouard avec ma chienne. Je suis parti à pied avec elle, sur le sentier d’Évangéline, où on a fait 70 km en trois jours », raconte-t-il.
Son but était d’aller découvrir les communautés acadiennes et francophones et d’aller à la rencontre des gens. « Je suis parti avec mon packsack. On couchait quelque part avec la tente le soir et on continuait le lendemain matin, relate-t-il. J’ai vu qu’il y a le même sentier en Nouvelle-Écosse, et j’aimerais vraiment continuer ce parcours-là avec ma chienne l’été prochain. »
L’une des choses qu’il apprécie le plus dans son métier, c’est d’aller à la rencontre des gens, des communautés et de « voir toutes les beautés de l’Acadie. Je tiens beaucoup à ce projet-là. »
Il a d’ailleurs partagé avec moi une petite anecdote de ce pèlerinage : « À un moment, je prenais une pause sur le perron de l’église et un monsieur est venu me parler pour voir si je voulais avoir de l’eau. Quand il a découvert que j’étais francophone, il a commencé à me parler en français. Puis il m’a dit que ça faisait au-dessus de 20 ans qu’il n’avait pas parlé sa langue. Il habitait dans une communauté plus anglophone, mais il était vraiment touché de pouvoir reparler sa langue avec quelqu’un. Je trouve ces moments-là vraiment spéciaux dans mes voyages. J’en sors toujours grandi. »
Pour terminer, Daniel Pitre m’a exprimé qu’il croit fortement que la construction identitaire est un processus qui est en constante évolution et en transformation. Selon lui, tous les voyages et toutes les expériences qu’on choisit auront un impact sur la personne qu’on sera demain.