Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
Passionnée par la danse depuis un jeune âge, la directrice générale de la Société acadienne de Clare, Natalie Robichaud, aime que cet art soit rassembleur. « Chuis quand même fasciné par la danse comme expérience collective. Quand les gens dansent ensemble, il y a quelque chose qui arrive. Ça apporte beaucoup de joie. »
Il y a quelques années, lors d’un séjour à Carleton-sur-Mer, où elle était participante au festival gaspésien La Virée Trad, la directrice générale a été témoin d’une danse carrée qui l’a beaucoup intriguée. Des centaines de gens se sont portés volontaires lors de la soirée, ce qui a donné à Mme Robichaud beaucoup d’énergie et d’inspiration.
Après le festival, elle a exploré différentes manières de faire briller cette danse dans sa communauté. Pour débuter, elle a suivi une formation afin de se familiariser avec le répertoire.
Ce renouveau a également suscité des réactions positives de la part des résidents, surtout les ainés qui se sont remémoré des souvenirs d’enfance liés à la danse câllée. « Ça faisait partie de notre patrimoine culturel, précise Mme Robichaud. Tout le monde dansait ces genres de danse. »
Mais ce qui a le plus interpellé la directrice générale, c’est le fait qu’on a arrêté de la pratiquer. Selon Mme Robichaud, on peut associer cette perte à l’arrivée du rock ‘n’ roll et le développement d’habitudes plus casanières.
Son défi était d’inviter les gens à danser comme dans le bon vieux temps, mais aussi d’encourager de nouvelles personnes à sortir. Elle a commencé par des activités dans le cadre du Festival acadien de Clare afin de rejoindre le plus de gens possible.
Année après année, la danse a gagné en popularité. Ils étaient bien partis, avant que la pandémie frappe à la porte et que tout se calme.
De retour à la case départ, Mme Robichaud a décidé de s’y prendre autrement en reconstruisant le reel à huit de Clare, aussi appelé la French Eight. « De ce que j’ai découvert dans mes recherches, c’est qu’il y avait une danse spécifique qu’on faisait ici à la Baie, comme à Chéticamp […] Chaque communauté, historiquement et traditionnellement, a sa propre danse. C’est weird. »
Après 20 ans sans rassemblement, la danse a presque disparu. Pour la ramener, Mme Robichaud a passé beaucoup de temps au téléphone avec d’anciens adeptes « qui s’en rappelaient un petit peu ». Ce sont quatre dames en particulier qui ont travaillé avec la directrice pendant six mois pour retrouver les pas.
Une pièce à la fois, elle l’a reconstitué sur sa feuille de papier, un travail de recherche qu’elle a trouvé fascinant. « Encore aujourd’hui, chuis même pas sûr qu’on la fait exactement comme ils l’auraient fait », avoue-t-elle, car il faut se fier à la mémoire.
Ayant finalement rapproché le reel à huit de son authenticité, les participantes ont décidé collectivement de le réadapter, notamment en éliminant plusieurs mouvements de swing pour éviter l’étourdissement et les maux de tête, et de le proclamer comme la version officielle de la danse.
Les personnes qui dansaient autrefois la French Eight sont plus que contentes. « J’ai eu des témoignages super touchants », affirme-t-elle.
Pour que tout le monde puisse la connaitre, Mme Robichaud organise une danse câllée par mois dans une ambiance conviviale, où tout le monde est bienvenu.
Elle souhaite actualiser le reel et l’amener dans les écoles pour que les prochaines générations puissent la danser comme il y a 50 ans. « J’aimerais pas que ça soit une affaire associée avec le passé », dit-elle.
Pour le montrer aux jeunes, elle a même accès à un manuel pédagogique rédigé par Barbara LeBlanc, l’une de ses idoles, qui a étudié amplement la danse câllée.
Le rêve de Mme Robichaud est qu’un bon nombre de gens sachent comment la danse pour le Congrès mondial acadien (CMA) 2024. « On va avoir des célébrations, des fêtes. On va avoir plein de gens. Je veux qu’on la fasse pis que ça soit normal de la faire, que quand tu entends la tune, ah, tout le monde va danser. »
Au début du CMA, elle prévoit d’animer un grand atelier de reel à huit pour que les gens puissent la danser automatiquement, un peu comme la macarena, tout au long de la période de festivités.