Partagés par la même passion du tourisme culturel, ils défendent fièrement les atouts de chacune des quatre régions acadiennes traditionnelles de la Nouvelle-Écosse, où la pratique du français est encore courante.
De quelle région viennent-ils? De la municipalité de Clare ou de celle d’Argyle, dans le sud-ouest de la province? De la région de Chéticamp ou de l’Isle Madame, dans l’ile du Cap-Breton? À vous de deviner.
Voici un extrait de leur conversation, où figurent plusieurs indices…
Avertissement: Cette courte scène et les personnages qui la composent sont purement imaginaires. Leur seule finalité est de mettre en exergue quelques spécificités des régions acadiennes, sans prétendre à l’exhaustivité. Dans la conversation ci-dessous, chaque expression en italique renvoie à une explication par la suite.
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Quai de Meteghan, Clare.
La conversation
De l’économie de la pêche au tourisme culturel, chacun cherche à vanter sa région. Jacques est le premier à entrer dans le vif du sujet:
- Dans ma région, on fait des démonstrations de pêche sur le grand quai vivant, où le roi des crustacés est omniprésent. Il fait partie de notre culture.
- Oui, le roi des crustacés, on le connait bien, ajoute Catherine. Notre grand quai de pêche à nous, on peut seulement le visiter. Mais en plus, il y a une marina.
- Dans nos restaurants, rétorque Marie, notre produit favori est plutôt le succulent crustacé des eaux froides. C’est notre gagne-pain à tous.
- C’est aussi le produit vedette chez nous, confirme Pierre, et sa grande qualité fait le régal de nos chefs. Notre économie lui doit beaucoup.
Pour Catherine, les fruits de mer sont une excellente entrée en matière. Mais elle préfère insister sur une pêche à pied ancestrale:
- Nous, on ramasse à la fourche depuis longtemps le gros mollusque pour composer notre plat traditionnel acadien.
- Oui, ce fameux plat traditionnel acadien est la grande spécialité culinaire de nos deux régions, complète Jacques.
Marie s’impatiente. Pour elle, les bords de mer sont tout aussi attractifs que les fruits de mer. Elle poursuit:
- Nos visiteurs recherchent la quiétude des espaces naturels. Dans ma région, nous avons un très beau sentier écologique en bordure d’océan.
Oui, c’est vrai, acquiesce Pierre, le long de notre célèbre piste côtière, les vues sont spectaculaires. Notre économie en profite pleinement.
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Centre La Picasse, Petit-de-Grat.
Pierre marque un temps d’arrêt puis continue sur un ton plus grave:
- Tout de même, on revient de loin. Le moratoire de 1992 nous a beaucoup affectés. Je suis fier que ma communauté ait bien réagi à ce désastre. Notre nouveau centre culturel fait revivre les traditions acadiennes.
- Oui, en effet, admet Marie, ma région a subi le même moratoire. Ma communauté était vraiment en danger. Je suis heureuse que notre nouveau centre communautaire culturel nous redonne confiance dans l’avenir.
- Vous avez bien réussi à diversifier vos économies, compatit Jacques. Dans ma région, nous avons de nombreux sites patrimoniaux à mettre en valeur. Et notre village historique, c’est notre histoire vivante.
- Oui, nous partageons le même riche patrimoine acadien sur nos côtes, approuve Catherine. Et surtout, l’Université est notre atout majeur pour l’avenir de notre jeunesse. Elle est maintenant bien ancrée dans nos quatre régions …
Vous avez trouvé d’où viennent Catherine, Jacques, Marie et Pierre? Découvrez la solution à la fin de l’article. Vous voulez en savoir plus? Lisez ce qui suit.
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Couleurs d’automne sur la piste Cabot, dans le Parc national des Hautes-Terres du Cap-Breton.
Les explications
Le roi des crustacés? C’est le homard, bien sûr. Au Canada, sa zone de pêche la plus productive est située dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, notamment à Argyle et à Clare, où il pèse plus de 80 % en valeur des espèces prises. Dans cette région, le grand port de pêche commerciale est Dennis Point, à Pubnico-Ouest (Argyle), le plus grand du Canada atlantique. Chaque été, à Dennis Point et dans d’autres ports de la région, on peut rencontrer des pêcheurs à l’occasion de l’opération Quais Vivants.
Le grand quai? Dans Clare, on peut visiter le Quai de Meteghan, le plus grand port de pêche de la municipalité, où se trouve également une marina pour les bateaux de plaisance.
Le crustacé des eaux froides? C’est le crabe des neiges, qui préfère les eaux froides du Canada atlantique. Produit vedette de la pêche commerciale à Chéticamp et à l’Isle Madame, il est conditionné dans l’unique usine spécialisée locale, où il est cuit, congelé et soigneusement emballé avant d’être expédié dans le monde entier. Chacune de ces deux usines, Pêcheries Chéticamp et Paqueteurs de Petit-de-Grat, est le premier employeur privé de sa région.
Le gros mollusque? C’est ce que les Acadiens de la Baie Sainte-Marie (Clare) appellent «la paloune», c’est-à-dire la mactre d’Amérique, une espèce de palourde de grande taille qui vit enterrée dans le sable de la zone intertidale (entre marées haute et basse). Les Acadiens sont très friands de sa chair riche et savoureuse. La mactre d’Amérique est surtout ramassée autour du village de Grosses Coques, qui lui doit son nom. Lors de l’activité de grattage aux coques de la Baie Sainte-Marie, les visiteurs pêchent plus facilement la coque (mye commune), beaucoup plus petite.
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Village historique acadien, Pubnico-Ouest.
Le plat traditionnel? Il s’agit de la râpure, la grande spécialité acadienne du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. L’une des recettes favorites consiste à mélanger des palourdes avec les pommes de terre râpées et les ognons, le tout cuit au four.
Le moratoire de 1992? L’effondrement des stocks de poissons sur la côte est du Canada a incité le gouvernement fédéral à décréter, à partir de 1992, un moratoire sur la pêche à la morue et aux autres poissons de fond. Cet arrêt brutal a alors provoqué une crise profonde de l’industrie de la pêche dans la région de Chéticamp et à l’Isle Madame.
Des consultations communautaires ont ensuite été engagées pour diversifier les économies régionales. Les Acadiens de l’Isle Madame, très fragilisés par l’assimilation anglophone, ont choisi de créer à Petit-de-Grat, en 1997, un nouveau point d’ancrage francophone, La Picasse («ancre» en vieil acadien). Ce centre communautaire a pour triple ambition de pérenniser la culture acadienne, de promouvoir la langue française et de développer l’économie par l’éducation.
À l’issue d’une réflexion similaire, les Acadiens de Chéticamp ont créé à Grand-Etang, en 2009, le Centre de la Mi-Carême, porte d’entrée des traditions acadiennes et source de revitalisation économique et communautaire. Ce centre a permis la reconversion professionnelle d’anciennes employées de l’unique usine locale de transformation de poisson, qui avait fermé.
La célèbre piste? Il s’agit de la piste Cabot, route panoramique effectuant une boucle de 300 km autour de la partie nord du Cap-Breton, longeant les côtes de la région de Chéticamp, puis traverse le parc national des Hautes-Terres du Cap-Breton, en offrant des vues spectaculaires sur des paysages de toute beauté. Le Centre de la Mi-Carême de Grand-Etang est idéalement placé sur la piste Cabot, ainsi que le centre culturel et d’information Les Trois-Pignons, gardien de la tradition des tapis hookés (crochetés) de Chéticamp.
Le sentier écologique? Il s’agit du Cap-Auguet Eco-Trail, à Petit-de-Grat, un sentier de biodiversité de 9 km en bordure d’océan, composé d’un sentier principal et de trois boucles secondaires, qui met en lumière la beauté naturelle des paysages et la richesse de la vie marine. Des panneaux d’interprétation sont disposés tout du long du sentier pour informer les visiteurs sur l’histoire des premiers colons de la région. Aujourd’hui, le sentier n’est plus entretenu, mais il ne serait pas étonnant que les autorités du comté ou de la province lui redonnent bientôt tout son éclat.
Les sites patrimoniaux? Ils sont nombreux sur les côtes acadiennes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse (Clare et Argyle). À l’occasion du Congrès mondial acadien d’aout 2024, les deux municipalités ont porté un projet de modernisation de l’excursion interprétative de leurs côtes acadiennes. Ce projet permet de mieux promouvoir le patrimoine acadien et les expériences touristiques locales. Parmi ces sites figurent le Village historique acadien de la Nouvelle-Écosse et le Musée des Acadiens des Pubnicos, à Pubnico-Ouest (Argyle), qui invitent à découvrir l’histoire et la culture des Acadiens de la région.
L’Université? C’est l’Université Sainte-Anne, la seule université francophone en Nouvelle-Écosse, qui offre des programmes d’études collégiales et universitaires dans toute la province. Son campus principal est situé le long de la Baie Sainte-Marie, à Pointe-de-l’Église (Clare), où se trouve le centre de visiteurs Rendez-vous de la Baie. Ses quatre campus secondaires sont répartis à Halifax, à Petit-de-Grat (Isle Madame), à Saint-Joseph-du-Moine (région de Chéticamp) et à Tusket (Argyle). Sur le campus de Petit-de-Grat, voisin du centre La Picasse, le Centre de recherche marine de l’université est notamment dédié à la recherche appliquée sur les deux produits phares de la pêche commerciale dans les communautés acadiennes: le homard et le crabe des neiges.
La solution
Vous l’avez deviné. Catherine vient de la municipalité de Clare, Jacques de la municipalité d’Argyle, Marie de l’Isle Madame et Pierre de Chéticamp.
Sources principales
Conseil de développement économique de la Nouvelle-Écosse (CDÉNÉ): Profils communautaires 2023 des régions de Clare, d’Argyle, de Chéticamp et de l’Isle Madame.
Ross, Sally, et J. Alphonse Deveau; Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse, hier et aujourd’hui; Les Éditions d’Acadie, Moncton, 1995.
LeBlanc, Barbara, et la Société Mi-Carême; La création et le développement du Centre de la Mi-Carême; Historic Nova Scotia, consulté le 21 juillet 2024.