Le Portugal a réellement été le premier royaume européen à envoyer ses navires à tout vent.
Les explorations sont entreprises en 1815 sur les côtes d’Afrique à l’instigation d’un des fils du roi Jean 1er. Le prince Henri le Navigateur avait, en effet, découvert qu’il y avait des trésors sur ce continent en participant à la prise de Ceuta, port commercial situé au bord du détroit de Gibraltar et enclavé dans le Maroc actuel.
Mais le prince Henri nourrit d’autres – et plus grandes – ambitions pour envoyer ses bateaux vers le sud : il veut mettre fin au monopole que détiennent les Vénitiens sur le commerce avec l’Asie orientale, souvent désignée comme « les Indes ».
À noter qu’Henri a été surnommé le « Navigateur » en raison des missions qu’il a organisées. Il n’a pourtant lui-même jamais commandé de navire, ni mené d’expédition, ni découvert quoi que ce soit. Finalement, il était un navigateur… qui n’avait jamais navigué. Ohé ohé.
Des iles, puis la côte
Les (vrais) marins et explorateurs portugais découvrent premièrement les archipels des Açores et de Madère, qui sont inhabités. Puis, ils longent les côtes africaines, érigeant des forts et des comptoirs commerciaux par-ci par-là, jusqu’aux iles du Cap-Vert, au large du Sénégal actuel; ces iles sont aussi inhabitées.
Le grand voisin du Portugal, l’Espagne, en pleine campagne d’unification de ses royaumes, ne veut pas être en reste et jette son dévolu sur les iles Canaries, situées au sud de Madère, au large de la côte du sud du Maroc. Mais l’archipel des Canaries est peuplé depuis des centaines d’années; la conquête sera longue et sanglante.
La valse des traités et des bulles…
Par le traité d’Alcáçovas, en 1479, le Portugal et la Castille – le royaume au cœur de la formation de l’Espagne – s’entendent pour se reconnaitre mutuellement la possession de ces archipels et affirmer le contrôle du Portugal sur la côte de la Guinée, en Afrique.
Deux ans plus tard, le pape Sixte IV édicte la bulle Aeterni regis, qui entérine le traité et donne ainsi sa bénédiction à un premier partage du monde entre des royaumes européens et à la volonté de ces derniers d’en faire la colonisation, évidemment sans égard aux populations autochtones.
Sixte IV accorde aussi au Portugal toutes les terres qu’il pourrait conquérir au sud du 27e parallèle (au sud des iles Canaries), jusqu’aux Indes, soit toute l’Asie, à condition d’en évangéliser les habitants.
Le Portugal poursuit alors ses explorations encore plus au sud. En 1488, Bartolomeu Dias devient le premier Européen à dépasser la pointe sud du continent africain. Il montre ainsi qu’on peut gagner l’océan Indien par la mer et atteindre les Indes, ce qu’il réalisera dix ans plus tard en accompagnant le navigateur Vasco de Gama.
Go Ouest
Entretemps, comme la route du Sud lui est coupée par son voisin, l’Espagne tente d’atteindre l’Asie vers l’Ouest. Quand Christophe Colomb met le pied aux Bahamas, le Portugal revendique ces terres, car elles sont au sud du 27e parallèle…
Il y a péril en la demeure espagnole. Ça tombe bien, le nouveau pape Alexandre VI est originaire d’Espagne. Il décide, en 1493, d’un nouveau partage du monde via une nouvelle bulle : Inter Cætera.
Cette fois-ci, la division n’est pas établie en fonction d’une latitude, mais plutôt d’un méridien, fixé à 100 lieues (environ 420 km) à l’ouest du Cap-Vert. Les terres situées à l’ouest de cette ligne dans l’océan Atlantique reviennent donc à l’Espagne, soit donc, en principe, toutes les Amériques.
Mais le Portugal lève la main, craignant que ce partage menace ses prétentions en Asie de l’Est. Afin d’éviter une guerre, le Portugal et l’Espagne en arrivent à un compromis avec le traité de Tordesillas, qui pousse le méridien-frontière encore plus à l’ouest, soit à 370 lieus (1 770 km) du Cap-Vert.
Prémonitoire ? Encore une fois, le hasard – ou est-ce bien un hasard ? – fait bien les choses, car en 1500, l’explorateur portugais Cabral, voulant contourner l’Afrique et se rendre aux Indes, dérive loin vers l’ouest, jusqu’au continent américain.
Cette terre « découverte » est la seule partie des Amériques située à l’est du méridien du traité de Tordesillas. Le territoire deviendra le Brésil et il sera portugais. Sans Tordesillas, il n’y aurait pas de samba ni de bossanova !
Si la question de l’Afrique et de l’Amérique est réglée, le même problème se posera pour l’est de l’Asie. En principe, tout est réservé aux Portugais, qui d’ailleurs étendront leur influence dans la région.
Après le voyage de Magellan qui, pour le compte de l’Espagne, atteint les Philippines, les deux pays concluent en 1529 le traité de Saragosse, qui trace un méridien dans le Pacifique pour départager leurs zones d’influence. Le traité donne à l’Espagne accès aux Philippines, même si celles-ci se trouvent dans la « zone » portugaise.
Le testament d’Adam
Mais pendant que l’Espagne et le Portugal, à coups de bulles, se disputent et se partagent le monde, comme s’ils étaient… seuls au monde, d’autres puissances maritimes européennes – soit la France, l’Angleterre et plus tard les Pays-Bas – la trouvent de moins en moins drôle.
C’est la France qui viendra « péter la bulle » des royaumes ibériques.
En 1533, le roi François 1er obtient du pape Clément VII une modification du traité de Tordesillas qui, désormais, ne touche que « les terres connues et non les terres ultérieurement découvertes par les autres Couronnes ». La voie est libre pour que, l’année suivante, le roi François mandate la première expédition du Malouin Jacques Cartier dans ce qui deviendra le Canada.
Quelques années plus tard, le souverain français, ne manquant pas d’aplomb, aurait déclaré à l’empereur Charles Quint, roi (entre autres…) d’Espagne : « Le soleil luit pour moi comme pour les autres. Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde. »
On n’a jamais trouvé cette clause, pas plus que celle qui autorisait les nations européennes à coloniser et à exercer leur emprise sur une bonne partie de la planète.