le Jeudi 12 septembre 2024
le Vendredi 25 août 2023 9:00 Chroniques

Les Jeux olympiques, oui, mais à quel prix?

Les Jeux olympiques de Paris 2024 devraient couter 8,7 milliards d’euros, soit 12,8 milliards de dollars canadiens.  — PHOTO - Boom
Les Jeux olympiques de Paris 2024 devraient couter 8,7 milliards d’euros, soit 12,8 milliards de dollars canadiens.
PHOTO - Boom
FRANCOPRESSE – Dans un peu moins d’un an, les Jeux olympiques feront leur grand retour à Paris, 100 ans après leur dernier passage dans la Ville Lumière. Contrairement au siècle dernier, les couts ont atteint des sommets et les impacts sociaux et écologiques se font de plus en plus sentir.
Les Jeux olympiques, oui, mais à quel prix?
00:00 00:00

Depuis 1924, de l’eau a coulé sous les ponts, et pas seulement sous ceux de la Seine, dont on promet un nettoyage d’une telle ampleur, qu’il sera possible de s’y baigner en 2025.

Perçue par le pays organisateur comme l’occasion parfaite d’afficher sa puissance aux yeux du monde entier, la compétition semble, au fil des années, perdre de son lustre. Ses détracteurs ne se privent plus de pointer ses nombreuses contradictions avec les valeurs contemporaines.

Rappelons, pêlemêle, les couts faramineux des Jeux d’hiver de Sotchi (50 milliards de dollars américains), les violations des droits de l’homme à Rio de Janeiro ou encore les controverses écologiques pour les Jeux d’hiver en général.

Paris n’échappe pas à la règle. Un récent sondage Elabe pour le média français Les Échos a révélé que seuls 20 % des Français étaient enthousiastes à l’idée de recevoir les Jeux, 48 % faisaient preuve d’indifférence et 32 % ne cachaient pas leur scepticisme. Le taux de sceptiques monte même à 40 %, si l’on considère seulement la capitale française. On est loin de la ferveur populaire tant recherchée… Et les raisons sont multiples.

Fracasser les records des couts

La critique la plus récurrente concerne le montant de la facture. On parle désormais d’une somme de 8,7 milliards d’euros (12,8 milliards de dollars canadiens).

Lors de la candidature, le budget du comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris était estimé à 3,3 milliards d’euros. Il a grimpé à 4,38 milliards en décembre dernier pour finalement s’établir au double à un an de l’ouverture des Jeux.

Une réévaluation à la hausse classique pour ce genre d’évènements, surtout en période inflationniste, mais qui pèsera «assurément» sur le contribuable français, selon le président de la Cour des comptes. Un contribuable qui, on l’a vu, n’est guère enchanté par la compétition.

Ce cout ne peut toutefois pas être dissocié des retombées économiques attendues, qui englobent essentiellement le tourisme et le regain d’activité induit par l’évènement.

Donner une estimation est un exercice périlleux auquel les parlementaires de l’Assemblée nationale française se sont prêtés. Selon le rapport qu’ils ont présenté le 5 juillet dernier, ces retombées seraient comprises entre 5,3 et 10,7 milliards d’euros «pour le seul territoire d’Île-de-France», qui s’apparente à la région parisienne.

À titre de comparaison, une étude du gouvernement britannique un an après les Jeux de Londres en 2012 avait chiffré les retombées économiques indirectes à plus de 11 milliards d’euros.

Coup de marteau sur l’environnement

L’impact environnemental, lui, ne pourra pas être gommé par de simples lignes comptables.

Il y a deux ans, le président du Comité international olympique, Thomas Bach, avait affiché son enthousiasme «à l’idée que Paris 2024 organise des Jeux ayant une contribution positive pour le climat».

Alerte divulgâcheur : le bel objectif d’éliminer davantage d’émissions de gaz à effet de serre que celles produites par l’évènement a été balayé discrètement sous le tapis. Le bilan carbone prévisionnel des organisateurs de Paris 2024 s’élève à 1,58 millions de tonnes équivalent CO2.

Certes, sur papier, c’est deux fois moins que le bilan de Londres 2012 et de Rio 2016 (3,5 millions). Mais les données entourant ce chiffre ne sont pas publiques et certaines voix s’étonnent de la méthode de calcul.

Quoiqu’il en soit, à l’heure où les conséquences des changements climatiques se font ressentir jusque dans nos forêts canadiennes, le vieux modèle des Jeux parait bien obsolète. Surtout quand environ un tiers de ces 1,58 millions de tonnes équivalent CO2 sont liées aux déplacements des spectateurs, des athlètes et des officiels, selon l’organisation de Paris 2024.

Des solutions existent, comme réduire la taille de l’évènement ou en répartir l’organisation à plusieurs villes hôtes. Cette dernière proposition ne verra pas le jour de sitôt, puisque les Jeux d’été 2028 et 2032 ont déjà été attribués à Los Angeles et Brisbane.

Timothée Loubière

PHOTO - Courtoisie

Le temps de revoir les modèles

Enfin, que dire des droits sociaux bafoués, dans un pays qui se vante constamment de sa contribution historique aux droits de l’homme? Des itinérants «invités» à déserter les rues de Paris pendant les trois semaines de compétition? Des 3 000 étudiants qui devront laisser leur logement en juillet et en aout 2024 pour pouvoir accueillir les volontaires et partenaires de l’évènement? Des bouquinistes parisiens, âme culturelle des bords de la Seine, à qui on a demandé de retirer leurs boites de livres d’occasion, pour sécuriser une cérémonie d’ouverture dont les seuls billets restants se vendent à 2 700 € l’unité (près de 4 000 $)? Autant de mesures arbitraires à l’encontre de populations précaires, bien souvent contraintes de courber l’échine.

Malgré toutes ses contradictions, les Jeux restent les Jeux, un évènement chargé d’histoire, un moment unique dans la vie d’un amateur de sports, qui plus est quand ceux-ci se déroulent dans son pays.

Je ne souhaite en aucun cas qu’ils disparaissent ; seulement qu’ils évoluent. Ou retournent peut-être simplement à ce qu’ils étaient à l’origine : une compétition sportive qui n’a pas besoin d’être entourée d’autant de dorures pour briller dans le cœur des passionnés.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.