Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
Les membres de la Société acadienne de Cumberland (Cumberland Acadian Society) œuvrent depuis février afin de mettre en lumière l’histoire de l’ancien village.
Leon Landry, président de la Société, précise que son groupe n’essaie pas d’obtenir le statut de communauté acadienne. Le but est avant tout de sensibiliser le public au passé acadien de la région.
« Notre communauté devrait être reconnue de cette manière […] dans le comté de Cumberland, où est basé Amherst, on a plusieurs personnes acadiennes, dit-il. Certains ne sachant probablement même pas qu’ils ont des ancêtres acadiens parce que leurs noms de famille ont été anglicisés. »
Au fil des siècles, la région s’est assimilée. Une stigmatisation culturelle s’est développée envers les Acadiens, raconte le président, ce qui a mené à la perte de la langue.
Son intention est de créer une communauté pour les locaux qui veulent discuter de leur héritage. « On essaie juste de créer un espace qui est sûr et favorable pour les personnes qui veulent récupérer une partie de leur patrimoine », déclare M. Landry.

Le lieu historique national de Beaubassin, géré de Parcs Canada.
La Société a récemment organisé un festival acadien, qui a été bien reçu par la communauté, selon le président. Il a été financé par l’Office des Affaires acadiennes, le gouvernement provincial ainsi que la Municipalité du comté du Cumberland et la Ville de Amherst.
Il mentionne que divers participants ont partagé l’importance de cette célébration pour eux, une source de motivation pour la planification d’une prochaine édition.
Éventuellement, il aimerait se focaliser, entre autres, sur l’apprentissage en français et l’appui en recherche généalogique.
La vie de Beaubassin
Fondée entre 1671 et 1672 par Jacques Bourgeois, tout près des marais salins de Tantramar aux abords de la rivière Mésagouèche, cette colonie, ayant atteint une population d’environ 2 800 résidents, est considérée comme l’un des établissements acadiens les plus importants de la période prédéportation.
Beaubassin était au cœur d’un grand réseau commercial constitué de l’île Royale, de la Nouvelle-Écosse et de la Nouvelle-Angleterre, où les habitants vivaient de l’agriculture, de l’élevage et de la construction navale. Le lien avec les Mi’kmaq était également très important.
L’Acadie a été transférée à l’Angleterre après la signature du Traité d’Utrecht, lorsque la France a fait des concessions territoriales en Amérique du Nord. Négligée par les Anglais, cette région a continué toutefois d’être occupée par des Français.
Au fil des années, la tension est montée graduellement. C’est au printemps de 1750 que le major Charles Lawrence, à la demande du général Edward Cornwallis, gouverneur de la Nouvelle-Écosse de l’époque, amorce son plan de repoussement des troupes françaises de la région de Chignectou.

La signalisation extérieure pour le site de Beaubassin est inadéquate, selon le résident Bill Casey. Il fait remarquer qu’il n’y a qu’un panneau en route vers le lieu, n’indiquant pas la présence du site historique, mais bien un cul-de-sac.
Le drame a atteint son point culminant lorsque les Français ont incendié Beaubassin, après avoir appris que Lawrence voulait occuper le territoire. Ils ont détruit environ 150 demeures, selon les travaux de recherche du docteur Clarence J. Webster.
Par la suite, un fort britannique, Fort-Lawrence, y a été érigé et démantelé en 1756.
Aujourd’hui, sur le site où était autrefois Beaubassin, on y trouve des vestiges de l’ancien village. Plusieurs archéologues sont à la quête des traces de l’occupation, dont Charles Burke de Parcs Canada, qui a découvert il y a quelques années des dizaines de fondations et de milliers d’artéfacts.
La situation actuelle
Une série de transactions immobilières a permis à Parcs Canada d’acquérir les parcelles de terrain pour freiner la détérioration du site, qui est devenu un lieu historique national en 2005.
Cependant, le site de Beaubassin n’est pas le plus accessible, ce qui a poussé Bill Casey, résident du comté et ancien député à la Chambre des communes du Canada, à militer pour l’ajout de panneaux et d’aires de pique-nique.
M. Casey déplore le fait que ce lieu historique ne soit pas plus haut sur la liste des priorités de Parcs Canada.
Selon lui, il y a un manque d’entretien, de signalisation et de promotion. « Malgré ce trésor d’informations historiques, ce lieu historique national est introuvable en raison du manque de signalisation et de panneaux qui envoient les gens dans la mauvaise direction. Le seul panneau à l’entrée de la seule route menant à ce lieu historique national est NO EXIT. »
Beaubassin a le potentiel d’être fréquenté autant que d’autres sites historiques, affirme M. Casey, comme Fort-Beauséjour, à quelques kilomètres de Beaubassin, l’autre côté de la frontière interprovinciale.
En 2022-2023, 11 615 personnes ont visité Fort-Beauséjour, selon un document officiel de Parcs Canada, qui n’affiche pas d’information de visite pour le site de Beaubassin et Fort-Lawrence.
La Société acadienne de Cumberland envisage d’entamer des discussions avec Parcs Canada afin d’accroitre la visibilité du lieu historique. « Il a été un peu négligé au fil des années et nous espérons rajeunir sa reconnaissance », annonce Leon Landry, qui voit en ce projet des retombées économiques.
Au moment de publier son article, une représentante de Parcs Canada a confirmé qu’elle rencontra des membres de la communauté pour en discuter, confirme M. Casey.
Le président ajoute avoir discuté avec un membre de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) pour la conception d’un plan stratégique à cet effet.