
Valerie Kendall, directrice générale de Radio CKJM.
Jean-Philippe Giroux – IJL – Réseau.Presse – Le Courrier de la Nouvelle-Écosse
Dans son patelin, Gabrielle Samson a établi de bonnes relations avec les membres de sa famille. Elle mentionne que nombre de personnes à l’Isle Madame ont même été élevées par leurs grands-parents, ce qui a permis une transmission culturelle.
Elle remarque que chaque génération a eu des défis différents. Ses grands-parents ont grandi à une époque où les gens étaient dévalorisés s’ils vivaient leur culture. La génération de ses parents a eu la chance d’obtenir une éducation bilingue, mais encore, la dévalorisation était présente, se sentant inférieure à la majorité anglophone, mais aussi à d’autres francophones.
Selon Valerie Kendall, directrice générale de Radio CKJM à Chéticamp, sa génération a eu la vie facile, comparativement aux Acadiens de 50 ans et plus, qui ont grandi à une époque où parler le français n’était pas bien vu par tous. « Ils ont eu besoin de se battre, raconte-t-elle. C’était vraiment à se battre pour garder leur langue et avoir leurs droits, avoir leurs écoles. »
Les nouvelles générations sont plus scolarisées, ce qui est bénéfique à bien des égards, mais ça entraine un autre lot de défis. Avec plus de standardisation linguistique dans les écoles, l’insécurité linguistique entre les générations s’est développée.
Gabrielle l’a vécu avec sa grand-mère, qui est allée à l’école jusqu’en 6e année. Elle était convaincue que sa fille était « trop bonne » en français pour lui parler dans cette langue, lorsque sa petite-fille a atteint la 7e année.
Sa solution ? Rassurer sa grand-mère que rien ne doit changer. « C’était vraiment de trouver les registres qui permettaient de continuer la communication et vraiment la persévérance de dire : non ! Je ne veux pas que tu changes de langue avec moi. On va travailler ensemble pour bâtir ce qu’on a. »

Robert d’Entremont, comédien originaire de Pubnico.
Évolution de l’identité
Gilles Saulnier de Clare fait remarquer que sa génération a été grandement influencée par Internet. Elle intègre beaucoup plus les caractéristiques culturelles et linguistiques de la culture populaire de l’Amérique du Nord.
Les vieilles générations, de leur côté, ont inculqué des valeurs davantage traditionnelles et catholiques. Dans une société qui se laïcise, le guide de valeurs des jeunes est en train de changer, ce qui se traduit souvent par l’ouverture et l’expérimentation sociale.
Les prochaines générations en dessous de 25 ans « vont peut-être avoir besoin d’un autre fight, de se battre encore pour garder leur langue », dit Valerie Kendall. Cette dernière remarque aussi que l’influence de l’anglais est plus forte chez les jeunes, qui n’ont pas le même rapprochement avec la langue acadienne.
Ayant passé beaucoup de temps avec sa grand-mère en grandissant, Valerie a eu la chance d’entendre du vieux français quotidiennement, ce qui n’est pas le cas pour tout le monde dans sa communauté, précise-t-elle.
La Chéticantaine ne pense pas que le parler de ses parents et de ses grands-parents sera le même pour les prochaines générations, ce qui peut être difficile à accepter. Or, elle insiste sur le fait qu’il faut continuer à mettre l’accent sur la fierté acadienne et ne pas arrêter de la nourrir.
Cette fierté se voit notamment dans le monde des arts, où les créateurs acadiens se taillent une place. « Ce qui change, dans le sens positif, c’est qu’il y a beaucoup d’artistes acadiens qui font fureur à l’international », constate le comédien Robert d’Entremont, originaire de Pubnico.
Selon lui, ces artistes sont en train de ramener une fierté chez les jeunes, et que la culture est encore vivante grâce à eux.