le Dimanche 28 mai 2023
le Vendredi 26 mai 2023 7:30 | mis à jour le 26 mai 2023 12:08 Éditorial

L’éducation se fait-elle sans communauté ?

  PHOTO - Taylor Heery (Unsplash)
PHOTO - Taylor Heery (Unsplash)
Durant la pandémie - et oui, une autre mention de « la pandémie », mille excuses - l’éducation à distance est devenue la norme pour les écoliers et les élèves à cause de la multiplication des restrictions sanitaires. Ce virage vers le virtuel a aussi mené des parents à inscrire leurs enfants à l’éducation à domicile pour la première fois.

Au Canada, le nombre d’enfants instruits à la maison a bondi de 40 603 en 2019-2020 à 83 784 élèves l’année scolaire suivante. Bien que la majorité des jeunes du primaire et du secondaire ont fréquenté des écoles publiques lors de cette période, son pourcentage était en baisse de 0,7 % par rapport à l’année précédente. Selon Statistiques Canada, « cela est probablement attribuable au fait que certains parents ont retardé la rentrée scolaire de leurs enfants au début de la pandémie de COVID-19 ». 

Selon un article de 2022 de la revue américaine Child Development Perspectives, un parent se tournerait vers l’éducation à domicile pour diverses raisons : des inquiétudes liées à l’environnement scolaire (34 %), une insatisfaction avec l’instruction scolaire (17 %) ou des motivations religieuses (16 %). La majorité de ces parents, soit 70 %, aurait fait des études postsecondaires. 

D’après une étude de Daniel Hamlin et Albert Cheng, Homeschooling, Perceived Social Isolation, and Life Trajectories: An Analysis of Formerly Homeschooled Adults, des analyses ont permis de conclure que « l’enseignement à domicile n’avait pas entravé leur capacité à naviguer efficacement dans la société ». 

Or, les résultats d’une étude de Christine Brabant, publiée dans la revue Éducation et sociétés concernant les témoignages de jeunes adultes ayant vécu l’apprentissage en famille, dévoilent que « certains jeunes ont exprimé des sentiments de manque d’orientation, voire d’abandon de la part de leurs parents ». Mais il s’agit de cas particuliers, notamment des jeunes issus de familles religieuses pratiquantes aux États-Unis ou de centres d’apprentissage libre au Québec, communément appelés des « écoles démocratiques » où les jeunes votent sur les grandes orientations de leur éducation. 

Parmi les familles québécoises qui ont fait partie de l’enquête, 89 % sont membres de plusieurs associations et groupes de soutien local, « souvent simultanément de deux, trois ou quatre regroupements ». 

Donc, en cherchant un autre type d’éducation, ces parents développent une microsociété qui ressemble, en gros, à une mini communauté scolaire, sans la nommer ainsi. Une communauté se forme, sans même s’en rendre compte. 

L’éducation, que ce soit dans une école traditionnelle ou un dojo, est un lieu pour s’instruire, mais aussi pour former une communauté et forger son identité. On ne va pas à l’école simplement pour apprendre : c’est un milieu pour se comprendre, se construire et s’épanouir aux côtés de ses pairs. 

Il y a certes des discussions à entamer autour d’autres genres d’instruction, comme le fait la Finlande avec son système d’éducation réformé, où l’État choisit ce qui est enseigné, mais ne contrôle pas la manière dont l’éducateur transmet l’information. D’ailleurs, en Nouvelle-Écosse, certains élèves du secondaire profitent de l’École virtuelle pour obtenir leur diplôme autrement. 

L’école à la maison fait certainement réfléchir à l’importance de l’éducation au-delà du curriculum. Il n’y a pas une bonne ou mauvaise manière d’élever un enfant, mais une chose est sûre, c’est qu’on a tous besoin de grandir en communauté. 

Jean-Philippe Giroux

Rédacteur en chef