le Dimanche 28 mai 2023
le Mardi 25 avril 2023 9:00 Actualités provinciales

Des étudiants de l’Université Sainte-Anne font face à l’insécurité linguistique

 L’Université Sainte-Anne. — PHOTO - Jean Junior Nazaire Joinville
L’Université Sainte-Anne.
PHOTO - Jean Junior Nazaire Joinville
L’insécurité linguistique dans les milieux universitaires fait partie des intérêts de recherche de nombres de chercheurs, particulièrement au Canada. Dans le but de savoir si ce phénomène existe à l’Université Sainte-Anne, la seule université francophone de la Nouvelle-Écosse, le Courrier a rencontré plusieurs jeunes anglophones de souche qui y font leurs études en français.

Pour certains d’entre eux, faire des études en français a été un choix volontaire. Pour d’autres, ce fut une obligation. Force est de constater que tous les étudiants interviewés ont été ou sont encore victimes de l’insécurité linguistique. 

Kavindya Premachandra est une étudiante originaire de Sri Lanka qui fait actuellement un baccalauréat en sciences à l’Université Sainte-Anne (USA). Avec son accent qu’elle juge incorrect, elle est victime de l’insécurité linguistique. « Parfois j’ai peur de parler pour qu’on ne se moque pas de moi, a-t-elle déclaré. C’est une chose que je veux combattre. » 

Quant à Joseph Rapp, qui fait son baccalauréat en administration, il parle très peu en salle de classe. « J’ai l’impression que parfois les gens à qui je parle ne me comprennent pas à cause de mon français qui est très mauvais, a-t-il avoué. Quand j’étais à l’école secondaire à Port Hawkesbury, en Nouvelle-Écosse, je m’exprimais très souvent, car ma langue de communication était l’anglais, mais ici à Sainte-Anne, je ne peux pas. »

Simon Dumbar, originaire d’Halifax, est étudiante au baccalauréat en éducation. Si son rêve est d’enseigner le français, jusqu’à maintenant, elle juge qu’elle est dans l’incapacité de bien s’exprimer. « J’ai toujours pensé que je n’ai pas un vocabulaire riche qui peut m’aider à m’exprimer clairement, a-t-elle précisé. Quand je parle, j’ai l’impression que mes interlocuteurs pensent très mal de moi et de mon accent. »

Originaire de Kentville, Claire Béliveau est maintenant en confiance quand elle s’exprime en français en salle de classe ou en public. « À vrai dire, autrefois quand je m’exprimais, j’avais une grande peur pour ne pas commettre des erreurs. Je mélangeais parfois le français et le créole afin de ne pas commettre d’erreurs. » 

« Pour l’instant, je me sens bien, même quand j’apprends toujours le français, a-t-elle dit. Mon plus grand défi était les règles grammaticales. Je commence à les maitriser. » 

D’après Mme Béliveau, elle n’est pas timide et ne craint jamais de s’exprimer. C’est ce qui la donne un avantage par rapport à d’autres étudiants anglophones qui font leur étude en français. 

Il n’y a pas que l’USA comme université francophone en Acadie où les étudiants sont victimes d’insécurité linguistique. L’Université de Moncton, l’autre espace universitaire francophone de l’Acadie, connait ce phénomène. 

D’ailleurs, dans son livre titré À l’ombre de la langue légitime : l’Acadie dans la francophonie, paru en 2016, l’auteure Annette Boudreau, ancienne étudiante et professeure à ladite université, a relaté cette situation. Selon la chercheuse, les étudiants venant des milieux minoritaires craignent toujours de parler en salle de classe et ils croient qu’ils parlent très mal le français.  

Un an avant la sortie du livre de Boudreau, soit en 2015, Hadouche Kathia et Kahlouche Fatma ont présenté conjointement leur mémoire de maitrise à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, en Algérie, sur le sujet L’insécurité linguistique en milieu universitaire : le cas des étudiants du département de français de Tizi-Ouzou. 

Selon les résultats de leurs recherches, les étudiants destinés à l’enseignement ressentent une insécurité linguistique qui se manifeste sous différentes formes : la perte de mots, le bégaiement, l’hypercorrection, l’alternance codique, le silence, pour ne citer que ces formes.