
Photographie exprimant l’insécurité linguistique.
Par insécurité linguistique, il faut entendre un manque de confiance ressenti et parfois affiché par un locuteur en utilisant sa propre langue. Face à cette situation, il croit que son utilisation de la langue n’est pas légitime ou valorisée dans le milieu social où il évolue.
Dans le champ sociolinguistique, ce terme a été introduit dans les années 1960 par le linguiste américain William Labov, l’un des fondateurs de la sociolinguistique moderne, dans ses travaux remarquables sur la stratification sociale des variables linguistiques. Depuis lors, ce concept fait couler l’encre dans le monde et en particulier au Canada.
« Le français du Québec est souvent présenté comme du joual, comme du mauvais français, comme un simple registre populaire qui contrevient au contenu des sacro-saints ouvrages de référence », a écrit Anne-Marie Beaudoin-Bégin dans son ouvrage titré La langue rapaillée : combattre l’insécurité linguistique des Québécois, paru en 2015. Effectivement, à partir des années 1960, l’appellation joual trouve son origine dans la prononciation populaire du mot cheval, et renvoie aux usages de la variété québécoise.
Ce terme, qui serait une création du romancier Claude-Henri Grignon, avait toujours une double signification au Québec. Pour un groupe de personnes, il représente la pauvreté intellectuelle de cette province. Pour d’autres, il est un symbole d’affirmation nationale, c’est-à-dire qu’il renvoie à l’identité du Québec. En un mot, le joual désigne le français populaire du Québec. Depuis les années 1960, beaucoup d’artistes, d’écrivains et de comédiens l’utilisent dans leurs œuvres.
Jusqu’à nos jours, des Québécois souffrent de l’insécurité linguistique. Ils ont ce sentiment face aux Français, et les Européens francophones. Ils pensent que le « meilleur » français se parle en Europe.
La qualité de la langue du Québec fait parler dans les médias, les universités, les écoles, entre autres. Selon Isabelle Violette, dans ses recherches, la première personnalité qui a fait mention de l’insécurité linguistique dans les médias au Québec était Stéphane Dion, ancien politologue du Parti libéral, en 1992. Depuis lors, des sociolinguistes, artistes, politiciens, pour ne citer que ceux-là, utilisent ce concept pour se référer à la situation sociolinguistique de cette province. Selon la chercheuse, l’insécurité linguistique comme enjeu politique au Québec serait le principal moteur du projet de son indépendance.
Le sentiment d’insécurité linguistique auquel les Québécois et d’autres francophones font face trouve son origine dans la langue française même. Présent sur les cinq continents, cette langue est l’une des plus répandues dans le monde. D’ailleurs, selon les données statistiques de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), publiées le 21 novembre 2022, le français est officiel dans 32 États et il est la 5e langue ayant le plus grand nombre de locuteurs dans le monde après l’anglais, le mandarin, l’hindi et l’espagnol. Cependant, cette langue n’a aucune variété régionale standardisée. Il n’y a que le français de la France qui est standard, ce qui met les locuteurs de différentes régions, surtout ceux en milieu minoritaire, dans cette situation d’insécurité linguistique.
En principe, sur le plan linguistique, toutes les variétés de langues se valent. Inversement, sur le plan social, elles ne se valent pas. Aujourd’hui, un Québécois peut avoir le sentiment d’insécurité linguistique quand il s’exprime devant un Français. Aussi étonnant que cela puisse paraître, un Acadien peut aussi avoir ce même sentiment s’il s’exprime devant un Québécois. Cependant, ils parlent tous la même langue, le français.
Si cette rubrique présente brièvement la situation du Québec, comme il est mentionné ci-haut, c’est toute la francophonie canadienne qui fait l’objet d’insécurité linguistique. Les autres parties présenteront la région de l’Ouest canadien avec des provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan, entre autres, ainsi que l’Ontario français et l’Acadie qui, par l’entremise de ses chercheur.e.s, a une riche littérature en insécurité linguistique.