Ce que je trouve le plus fascinant, c’est que la plupart des traditions sont le fruit de nos coups de tête. Une idée, une impulsion, une action. Par exemple, après 50 ans, une petite canoe trip tranquille et sereine est devenue un incontournable pour le monde de Clare, attirant des centaines de résidents pour prendre part aux festivités printanières. C’est la preuve qu’il ne faut pas grand-chose pour créer une tradition.
Certains sont les auteurs des partys d’aujourd’hui, d’autres veulent protéger les célébrations d’hier, communément appelées le « folklore ». Les deux, à mes yeux, sont les mêmes, mais situées différemment dans le temps. Récemment, les communautés de Chéticamp et de Clare ont réalisé des projets pour faire vivre – et revivre – la musique des générations précédentes. On voit un besoin de préserver ce qui a été créé, de l’étudier et de le chanter pour ne pas l’oublier, pour ne pas s’égarer.
Il y a également des traditions en évolution. La Nouvelle-Écosse accueille – comme elle l’a toujours fait – des gens de divers horizons, notamment des réfugiés de guerre. Ils transforment notre tissu social grâce à leur perspective unique. Comme une recette, d’autres ingrédients s’ajoutent pour changer le goût, pour enrichir notre expérience.
Mais même si l’humain s’adapte facilement, il a tendance à résister au changement et, dans certains cas, il le déteste. C’est alors que la tradition devient synonyme de l’archaïsme et du conservatisme, et les gens de la différence peuvent parfois sentir l’exclusion ou la culpabilité. Des placards s’ouvrent, des gens se renferment.
Cela dit, je suis le type qui pense que la plupart de nos traditions sont bonnes. Elles ont juste besoin d’un peu d’amour et une bonne mise à jour. On peut tenter de sauver une église, même si la religion nous a blessés. On peut renouer avec les traditions familiales, même si notre enfance n’a pas été facile.
J’aime l’idée de préserver les traditions qui procurent du bonheur : les kitchen partys, les canoe trips, les groupes anonymes qui décorent le Petit Bois. Après avoir vécu dans six communautés à travers trois provinces, je remarque que la tradition, c’est comme une boussole, un point de repère, une épingle sur la carte. Peu importe où nous sommes, elle nous donne l’impression d’être près de chez nous.
Jean-Philippe Giroux
Rédacteur en chef