Pour des raisons personnelles, notre interlocutrice a souhaité garder l’anonymat. Alors, nous l’avons nommé « Julie ».
Julie est progressivement passée de l’aide ponctuelle apportée aux besoins spécifiques (faire des courses, préparer un repas, etc.) à l’aide de manière permanente, entrainant ainsi un arrêt définitif de ses activités professionnelles et de sa vie sociale à seulement 65 ans.
« Au début, ça se fait naturellement, mais avec les années, on s’aperçoit qu’on n’a pas de liberté. Je ne pouvais jamais quitter ma mère à moins d’avoir une personne qui venait la garder. »
Il a donc fallu s’adapter par des aménagements particuliers, notamment la transformation de certaines pièces, ainsi que l’exigeaient désormais le confort et le bien-être de la nonagénaire et l’établissement d’une routine stricte : cinq repas par jour (déjeuner, thé, lunch, thé, souper), plusieurs siestes, toilette, réveil à toutes les 4 h du matin. Une vie entièrement dédiée à un être cher, un quotidien coloré de moments difficiles, de joie, de tristesse et de fatigue avec très souvent des nuits entrecoupées, mais également de souvenirs agréables.
Elle reconnait toutefois que l’aide occasionnelle de ses proches et celle du gouvernement, à travers un programme de subvention de neuf mois visant à embaucher des personnes pour aider, lui apportaient quelquefois des moments de répit pour se détendre, sortir ou prendre soin d’elle-même.
Quoiqu’ayant la possibilité de la faire suivre par des professionnels, ainsi que le suggéraient ses frère et sœur, Julie s’est imposé cette nouvelle vie, car elle estimait que son devoir était de rester auprès de sa mère qui a tout fait et tout donné à ses enfants; et surtout pour se conformer à sa volonté, car elle souhaitait, en dépit de son état, préserver une certaine intimité.
Par ailleurs, les répercussions de la pandémie de la COVID-19, en l’occurrence l’isolement dans une maison de retraite, auraient dégradé sa santé mentale et physique, en raison de la rigueur de son hygiène alimentaire. Il est tout aussi important de maintenir le contact familial et de stimuler le cerveau tous les jours (avec l’actualité, le calendrier, les évènements, la musique, les souvenirs, etc.) pour éviter l’ennui et la perte de mémoire, pense-t-elle.
Aujourd’hui, sa mère âgée de 102 ans et souffrante d’insuffisance cardiaque est admise dans un foyer de soins de longue durée; le médecin ayant estimé qu’elle ne pouvait plus recevoir les soins à domicile. Julie y passe environ cinq heures de visite par jour pour maintenir le contact familial et lui apporter chaleur et soutien.
À tous ceux et celles qui pensent devenir une personne aidante, voici son conseil : « Je crois que nous sommes ici pour une raison sur la terre, et on doit faire ce qu’on a à faire et quand on fait ce qu’on a à faire, on se sent bien et on est confortable avec ça […] j’ai senti parfois chez mes frères et sœurs un genre de culpabilité. Je trouve que c’est important de ne pas ressentir cette culpabilité. Je crois que chaque personne fait ce qu’elle peut ».
Julie partage avec nous qu’être une personne aidante est une réponse à un appel du cœur qui créer une harmonie parfaite entre ce qu’on fait et ce qu’on est. Autrement, l’on ne doit éprouver ni culpabilité ni frustration si on n’en a pas les dispositions.