Marguerite Cassigneul avait 17 ans lorsque les forces alliées débarquèrent en Normandie. Elle s’attendait à voir des Américains, mais ses oreilles lui firent vite comprendre qu’il s’agissait de Canadiens.
De jeunes hommes à peine plus âgés qu’elle qui, après quatre années d’occupation, la libérèrent de l’occupation allemande dans la zone de Juno Beach, une bande de sable d’une dizaine de kilomètres s’étendant de Courseulles à Saint-Aubin-sur-Mer.
Mme Cassigneul faisait partie de cette famille de plus en plus réduite des témoins du Débarquement, de ceux dont les yeux disaient « J’y étais ».

Marguerite et Rémi Cassigneul
Pour elle, ce fameux Jour J n’était pas une simple page d’un livre d’histoire ou un chapitre d’un documentaire. C’était une partie essentielle de sa vie qu’elle partageait inlassablement avec toutes celles et tous ceux qui venaient l’interroger, plus particulièrement les Acadiens, ces descendants des soldats qui lui rendirent la liberté et qui marquèrent à jamais sa vie.
« Je revois le Canadien, quand on est descendu sur le sable, raconte Mme Cassigneul, il nous a dit : surtout, ne touchez rien, ne touchez à rien. Et puis j’avançais et tout d’un coup, oh là, deux civils qui sortaient un cadavre de l’eau, plus loin il y avait un casque. J’ai continué à marcher, et sur la gauche, adossés à la digue, des cadavres. Je les ai comptés : ils étaient 17. »
« Et puis il y en avait un, il n’avait plus de visage, poursuit-elle. Ca c’est marqué, c’est inoubliable. Je pense qu’on a vu la mer différemment, alors maintenant on a du mal à voir les gens décontractés, alors si bien que je préfère ne pas venir à la mer. »
Cet engagement, Mme Cassigneul et son mari Rémi, décédé en 2019, le manifestèrent également en devenant, dès sa création en 2006, bénévoles sur le festival La Semaine acadienne, une manifestation créée pour honorer le sacrifice des soldats acadiens et célébrer la vitalité de l’Acadie d’aujourd’hui.
Durant des années, ils servirent les repas aux artistes, distribuèrent des programmes, préparèrent le brunch acadien, participèrent au tintamarre, firent partager aux artistes une histoire qui était également la leur.
À l’occasion de sa 18e édition, qui se déroulera du 6 au 15 août 2023, le festival La Semaine acadienne rendra hommage à Mme Cassigneul ainsi qu’à Arthur, vétéran acadien décédé le 7 décembre 2022.
Ses obsèques seront célébrées le mercredi 4 janvier 2023, à 14 h 30, en l’église Saint-Rémi à Douvres-la-Délivrande.