Levitt, metteur en scène issu du théâtre américain, est arrivé à Annapolis en février pour écrire son grand pageant, après une longue tournée de spectacles de camp en Europe pendant la Guerre. Levitt est ensuite devenu scénariste pour le groupe Norman Lear et, à ce titre, a signé des épisodes de Maude, Three’s Company, ainsi que des scénarios pour Lucille Ball.
La Commission du tricentenaire a engagé deux chefs du pageant alors qu’elle disposait d’un budget de 18 000 $. Le plan prévoyait des centaines d’artistes, chœurs, fanfares, orchestres; plus de 40 animaux et une véritable locomotive sur rails. Une scène spécialement construite digne d’une messe papale, à deux étages et de 200 pieds de large, était équipée de rampes et de matériel d’éclairage le plus moderne, ainsi que de gradins pouvant accueillir 4 500 spectateurs.
Les répétitions ont duré des semaines. Dix jours ont passé quand un groupe de 36 adolescents se révolte contre Robicheau et ses chorégraphies. Le Haggerstown Daily Mail déclare : « Quand un Bostonien vient à Annapolis pour enseigner le menuet, mon frère, on sait qu’il a des problèmes. »

Collage de manchettes – sans attribution.
La poule mouillée est apparue quand les adolescents sont arrivés pour leur première répétition. Alors que les filles ont apprécié les danses et les costumes coloniaux, les garçons se sont rebellés. « This is too Sissy for us! (c’est trop efféminé pour nous) », dit-ils aux producteurs après avoir jeté un coup d’œil aux minuscules costumes et aux gestes légers du menuet. Cette débâcle a quasiment déraillé toute la production.
L’histoire de la révolte chochotte est rapidement diffusée par l’Associated Press et le nom d’Adolphe Robicheau rayonne dans tout le pays. Plus d’une cinquantaine de journaux l’affichent en première : Pageant avec un problème : les jeunes se révoltent contre le Menuet pour chochottes; le directeur du pageant trouve les garçons difficiles à vendre sur le menuet : Les ados s’opposent à la danse des fifs!
Robicheau et Levitt ont passé une semaine de crise à convaincre les adolescents qu’il n’y avait rien de fif au menuet. Ils finissent par convaincre la plupart des garçons, et les filles ont mis des cravates pour remplacer les quelques garçons évincés pour avoir été « un peu trop, disons… agressifs », selon Robicheau. « Ils ne me font pas peur », les qualifiant de violettes ratatinées.
« Je leur ai dit que les hommes de cette époque étaient tout aussi virils qu’aujourd’hui, peut-être même plus ! »
Le réseau Associated Press, toujours à l’affût d’une conclusion juteuse, annonce la victoire. Les manchettes suivent : Le menuet n’est pas une danse de chochotte, assure Adolphe!; Les jeunes sont convaincus par le Bostonien : le menuet n’est pas une danse de fif!; Le maître vend le menuet viril à la ville!; Le professeur l’emporte, ils feront le menuet!; «Revolt Against Sissy Minuet Finally Ended!»

Esquise, The Song of the Severn. The Capital, le 23 juin 1949.
The Song of the Severn
Quelque 600 perruques poudrées et costumes sont préparés. Une cavalerie de 23 chevaux tire de nombreux chariots. Une paire de bœufs tire la locomotive et d’autres éléments du décor géant. La radio WANN assure l’animation et diffuse tout en direct sur 215 stations simultanément. Les 853 membres de la troupe, âgés de 9 à 82 ans, se préparent à entrer en scène.
C’était la première, le 21 mai 1949. Le spectacle a commencé avec 45 minutes de retard en raison d’intempéries. 2 500 personnes y ont tout de même assisté. Le chanteur populaire Pat Boone a fait un caméo dans le rôle d’un matelot.
Cinq spectacles étaient prévus. Le deuxième a été annulé en raison des inondations. Le troisième s’est bien passé. Pour la première fois, ils ont présenté l’intégralité. Pendant la quatrième présentation, un cheval s’est lancé vers la scène, ajoutant une touche d’excitation. Un figurant près de la calèche est blessé gravement et emmené à l’hôpital. La dernière présentation a également été interrompue en raison d’intempéries.
Les critiques sont élogieuses : The Song Of The Severn est un MUST! Quatre présentations supplémentaires sont annoncées. Somme toute, il y a eu plus de 20 000 spectateurs sur l’ensemble des présentations.
Malgré une semaine de crise avec intempéries, décors inondés et un cheval endiablé, The Song Of The Severn est pour Adolphe Robicheau le moment ou il s’est le plus illustré maître de son art et de son œuvre, sa plus grande production et le plus grand rayonnement de sa carrière.