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Que retenir du 20e congrès du Parti communiste chinois ? (2ème partie)

Réception de l’amiral Zafar Mahmood Abbasi, commandant de la marine du Pakistan, à bord du destroyer chinois Yinchuan lors d’un exercice conjoint des forces navales des deux pays, en 2020.  — PHOTO - Inter Services Public Relations Directorate
Réception de l’amiral Zafar Mahmood Abbasi, commandant de la marine du Pakistan, à bord du destroyer chinois Yinchuan lors d’un exercice conjoint des forces navales des deux pays, en 2020.
PHOTO - Inter Services Public Relations Directorate
En décembre 2020, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse signait une entente de coopération et d’échange avec la province du Fujian, au sud-est de la Chine. Cette initiative, conçue pour stimuler la relance économique de l’après-pandémie, devait couronner les efforts soutenus de Stephen McNeil en faveur d’un rapprochement avec les industries chinoises ainsi que, tout particulièrement, les marchés de cette région côtière, toujours plus avides de nos succulents homards et autres fruits de mer.
Que retenir du 20e congrès du Parti communiste chinois ? (2ème partie)
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Cependant, quelques voix discordantes se sont élevées pour contester notre dépendance grandissante par rapport au marché chinois, notamment en raison des atteintes aux droits humains du régime de Xi Jinping. Secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), président de la Chine et commandant des forces armées, Xi vient de prolonger indéfiniment son règne désormais sans partage – et peut-être à durée illimitée – lors du 20e congrès national du PCC, qui s’est déroulé du 16 au 22 octobre dernier.

Ma précédente chronique a donné un aperçu de ce rassemblement tout en esquissant le parcours fascinant et la vision politique du président Xi. C’est un fervent idéologue dont la doctrine se trouve désormais inscrite dans la constitution chinoise. Pour lui, le Parti, c’est tout – et, dorénavant, c’est lui qui incarne le Parti. Le but qu’il s’est fixé dans son discours d’ouverture est de « promouvoir l’édification intégrale d’un pays socialiste moderne et le grand renouveau de la nation chinoise ».

Le dirigeant chinois Xi Jinping (gauche) à côté de son prédécesseur Hu Jintao, avant que ce dernier ne soit escorté vers la sortie pendant la cérémonie de clôture du congrès du PCC.

PHOTO - China News Service; source : Wikimedia

S’il paraît tout à fait normal que la Chine joue un rôle de premier plan sur l’échiquier géopolitique et dans la sphère économique, le réalisme s’impose face aux intentions du régime de Xi. Nous n’avons pas besoin de tomber dans la sinophobie crasse d’un Donald Trump pour constater, à l’instar d’un éditorial du journal Le Monde, que « le risque est grand de bientôt se retrouver face à une Chine plus arrogante diplomatiquement, plus offensive militairement, moins ouverte économiquement et repliée sur elle-même idéologiquement ».

Il y a tout intérêt, au Canada et ici même en Nouvelle-Écosse, à nous tenir au courant de l’évolution politique du nouvel empire du Milieu.

Jonathan Manthorpe, journaliste et spécialiste des relations internationales, a consacré un livre à l’influence du PCC dans la vie canadienne, influence qu’il juge aussi pernicieuse et contraire aux principes de la démocratie qu’il estime naïve la posture des gouvernements successifs (Claws of the Panda: Beijing’s Campaign of Influence and Intimidation in Canada, 2019). 

La sortie de cet ouvrage suivait de près la publication d’un rapport découlant d’un atelier organisé par le Service canadien du renseignement de sécurité, Repenser la sécurité : la Chine à l’ère de la rivalité stratégique (2018, disponible en ligne). Les communautés de la diaspora chinoise, composées en grande partie de réfugiés, seraient les premières victimes des pressions exercées par les agents du PCC.

Considérez les conclusions d’un récent rapport de l’organisme Safeguard Defenders. 

De toute évidence, et contrairement aux normes internationales, il y aurait plus d’une cinquantaine de postes de police chinois implantés dans 21 pays étrangers. L’une de leurs principales fonctions consisterait à harceler des dissidents expatriés et à espionner les communautés d’origine chinoise. 

Formellement démenties par Beijing, ces informations troublantes sont pourtant connues de plusieurs États, y compris du Canada. La GRC vient d’ouvrir une enquête sur les activités de trois commissariats possiblement illégaux dans la région de Toronto.

Quelle qu’en soit l’issue, ce fait d’actualité ne peut qu’attirer notre attention sur la montée de la Chine en tant que puissance internationale et, si nous en croyons ses détracteurs, les tentacules de plus en plus longs du Parti communiste qui est, rappelons-le, la plus grande organisation politique au monde. 

L’un des thèmes majeurs de la « pensée de Xi Jinping », c’est l’unité de la nation chinoise. Cette volonté se répercute sur le plan intérieur ainsi qu’à l’extérieur des frontières du pays.

À l’intérieur de la Chine, l’unité se renforce par l’homogénéisation forcée des valeurs. Si l’attention du monde a été attirée par les campagnes de répression contre le mouvement pro-démocratie à Hong Kong et, dans la région du Xinjiang, contre le peuple ouïghour, une minorité d’origine turque et de confession musulmane, d’autres aspects de cette politique sont moins notoires. 

Par exemple, tous les membres du PCC doivent télécharger une application pédagogique consacrée aux enseignements de Xi. Non seulement son utilisation fréquente est obligatoire afin d’assurer la loyauté idéologique, mais, semblerait-il, le logiciel servirait à espionner les citoyens.

Quant à la politique extérieure, les efforts de la Chine pour augmenter sa capacité militaire commencent à se faire sentir et à susciter la méfiance du côté occidental. Cet objectif pourrait avoir des répercussions très graves en ce qui concerne Taïwan, cette île indépendante que la Chine voit comme une province rebelle. 

En réitérant la ligne bien établie du PCC, le président Xi ne mâchait pas ses mots : « Résoudre la question de Taïwan et réaliser la réunification complète de la patrie constituent une tâche historique immuable du Parti. » Sa déclaration fait craindre un affrontement militaire.

C’est pour cette raison que l’administration Biden cherche à limiter sévèrement l’accès de la Chine communiste aux semi-conducteurs, ces micropuces indispensables aux systèmes informatiques. Cette approche risque d’entraîner, à moyen terme, une divergence technologique entre la Chine et ses alliés, d’un côté, et le reste du monde, de l’autre. Une telle éventualité viendrait freiner drastiquement l’intégration économique qui prévaut depuis les années 1990.

Un incident inattendu et décidément étrange s’est produit vers la fin du congrès du PCC. Le prédécesseur de Xi Jinping à la tête du Parti, c’est-à-dire l’ancien président Hu Jintao (2003-2013), a été brusquement escorté vers la porte de la salle, sans raison apparente ni explication de la part des autorités.

Si cet épisode a semé la perplexité à travers le monde, sa portée symbolique semblait très claire. Alors qu’une page de l’histoire chinoise est définitivement tournée, il ne fait aucun doute que le prochain chapitre nous réserve plusieurs surprises.