le Lundi 27 mars 2023
le Vendredi 20 mai 2022 16:46 Sports

« L’internationalisation du basket-ball professionnel nord-américain (1re partie) »

De double nationalité française et états-unienne, Tony Parker (droite) a évolué au poste de meneur pour
les Spurs de San Antonio de 2001 à 2018. (Crédit photo : Keith Allison; source : https://commons.
wikimedia.org/wiki/File:Tony_parker_vs_wizards_2009.jpg, sous la licence CC BY-SA 2.0 — (source : https://commons. wikimedia.org/wiki/File:Tony_parker_vs_wizards_2009.jpg, sous la licence CC BY-SA 2.0)
De double nationalité française et états-unienne, Tony Parker (droite) a évolué au poste de meneur pour les Spurs de San Antonio de 2001 à 2018. (Crédit photo : Keith Allison; source : https://commons. wikimedia.org/wiki/File:Tony_parker_vs_wizards_2009.jpg, sous la licence CC BY-SA 2.0
(source : https://commons. wikimedia.org/wiki/File:Tony_parker_vs_wizards_2009.jpg, sous la licence CC BY-SA 2.0)
Au déclenchement de l’agression russe en Ukraine, le 24 février dernier, deux ressortissants ukrainiens vivant en Amérique du Nord, l’un aux États-Unis et l’autre au Canada, ont publié une déclaration pour dénoncer l’invasion de leur patrie.

Au déclenchement de l’agression russe en Ukraine, le 24 février dernier, deux ressortissants ukrainiens vivant en Amérique du Nord, l’un aux États-Unis et l’autre au Canada, ont publié une déclaration pour dénoncer l’invasion de leur patrie. « Nous prions pour nos familles, nos amis, nos proches et toutes les personnes qui se trouvent sur le territoire de l’Ukraine. Nous espérons que cette terrible guerre prendra fin le plus rapidement possible. Chers compatriotes ukrainiens, tenez bon ! Notre force est dans l’unité ! Nous sommes avec vous ! »

Les auteurs de ce vibrant énoncé n’étaient nuls autres qu’Alex Len, 28 ans, et Sviatoslav Mykhailiuk, 24 ans, tous les deux des athlètes professionnels au sein de la National Basketball Association (NBA). Len, qui vient de terminer sa neuvième saison, évolue au poste de pivot (center) pour les Kings tandis que son compatriote, communément appelé Svi, assure la fonction d’ailier (forward) et d’arrière (shooting guard) auprès des Raptors de Toronto. Que l’on pense au titanesque Kareem Abdul-Jabbar, au légendaire Michael Jordan ou encore au brillantissime Kobe Bryant, la perception veut que le basket soit dominé par des joueurs afro-américains. Et ce n’est pas faux. Toutefois, la présence et l’impact des sportifs venus de l’étranger ne font que s’affirmer depuis les années 1990.

Ma cur iosi té pour ce phénomène a été attisée tout récemment en suivant le premier tour des séries éliminatoires de la NBA. En bon Louisianais, je soutiens les Pélicans de La Nouvelle-Orléans (bien sûr !). Aux côtés de ses camarades comme C. J. McCollum, qui venait d’être transféré depuis les Trail Blazers (Portland), le très adepte Brandon Ingram et le rookie en feu Jose Alvarado, pour ne nommer que ces trois-là, un géant de la Lituanie s’imposait, lui aussi. Son nom n’est pas inconnu des fans des Raptors car Jonas Valanciunas, barbu à l’allure chic, faisait partie de l’équipe canadienne pendant plusieurs années, ayant été envoyé aux Grizzlies (Memphis) peu avant le grand triomphe des Raps au championnat de 2019.

Il s’agit ici de la première d’une série de trois chroniques sur l’ internationalisation du basket-ball professionnel d’Amérique du Nord. Ce sujet est à distinguer de la popularité mondiale du basketball, deuxième sport après le foot (soccer), ce qui est tout de même un phénomène connexe. Commençons par un aperçu tiré des statistiques fournies par la NBA au début de la saison actuelle. En 2021-2022, les trente équipes de l’Association compta ient 109 joueur s internationaux, dont 18 du Canada (16,5 %) que j’exclus de mon analyse principale, mais dont les profils ne manquent pas d’intérêt, certes. Parmi ces joueurs canadiens, deux ont des liens proches avec un autre pays : Cory Joseph des Pistons (Détroit), de parents trinidadiens, et Tristan Thompson des Kings (Sacramento), né en Ontario de parents jamaïcains et devenu citoyen américain en 2020. À noter que le personnel des Raptors ne comprend que deux Canadiens, à savoir le meneur Dalano Banton et l’ailier fort et pivot Khem Birch.

C’est d’ailleurs l’équipe la plus internationale de la NBA, avec 10 ressortissants de pays à l’extérieur de l’Amérique du Nord. En écartant les joueurs canadiens, il y aurait donc 91 membres officiels des équipes de l’Association, sur un total de 450. Autrement dit, un peu plus d’un joueur sur cinq – 20,2 %, pour être exact – provient d’un pays autre que les États-Unis et le Canada. À ce nombre s’ajoute une douzaine d’autres internationaux sous des contrats dits « à deux sens », ayant ce que l’on peut considérer comme des postes à temps partiel. D’où sont originaires ces sportifs ? Hormis le Canada, 38 pays ont contribué aux listes d’effectifs de la NBA en 2021- 22.

Les plus représentés sont l’Allemagne, l’Australie et la France, chacune ayant fourni sept joueurs, suivis de l’Espagne, du Nigéria, de la Serbie et de la Turquie, avec cinq citoyens, respectivement. Or, cette distribution doit être comprise à la lumière d’autres tendances tantôt régionales, tantôt transnationales. L’Afrique totalise actuellement une douzaine de basketteurs de la NBA, dont cinq du Nigéria, le pays le plus peuplé du continent, ayant un peu plus de 215 millions d’habitants. Toutefois, plusieurs athlètes d’Europe et d’ailleurs ont des attaches africaines. Né à Athènes en 1994 de parents ayant immigré du Nigéria, Giánnis Antetokoúnmpo, prodige des Bucks de Milwaukee et MVP des Finales de l’an dernier, n’a obtenu la nationalité grecque qu’en 2013. Rui Hachimura des Wizards (Washington), Japonais de père béninois, a déjà affirmé être la cible de commentaires racistes en ligne de la part de certains de ses concitoyens… jaloux de son succès, peut-être ?

Du côté féminin, la Women’s National Basketball Association, forte d’une douzaine d’équipes, bénéficie également du talent international. Si certains des mêmes pays y sont représentés, il y a des différences – au niveau de la contribution chinoise, par exemple. La WNBA a intégré plus d’athlètes de Chine en 25 ans d’activité que la NBA depuis sa fondation en 1946 (six seulement, et aucun en 2021-22). D’un pays à l’autre, le basketball occupe une place spécifique dans la culture nationale.

Ces enjeux-là n’ont rien à voir avec le contexte français. Alors que la France a depuis longtemps des atomes crochus avec la culture afro-américaine, il a fallu un champion en la personne de Tony Parker pour que la glace soit vraiment brisée.

Les peuples d’Europe de l’Est sont férus du basket depuis un siècle. À l’ère de l’Union soviétique et du bloc communiste, les sports demeuraient sous la mainmise de Moscou. Cependant, pour plusieurs de ces sociétés, le basket en est venu à rimer avec l’affirmation nationale. C’est certainement le cas de la Lituanie, pays d’origine de Jonas Valanciunas, pivot de mes chers Pélicans. Au l e n d e m a i n d e l’indépendance de l’URSS, survenue en 1991, le directeur du programme lituanien, Arunas Pakula, expliquait : « Nous nous sentions comme une nation occupée. Nous n’avions pas d’armes à utiliser. La seule occasion de faire nos preuves contre les Soviétiques s’offrait à travers le basket-ball. »

Ces enjeux-là n’ont rien à voir avec le contexte français. Alors que la France a depuis longtemps des atomes crochus avec la culture afro-américaine, il a fallu un champion en la personne de Tony Parker pour que la glace soit vraiment brisée. Sur les traces du premier joueur français de la NBA, Tariq Abdul-Wahad, sélectionné en 1997, la carrière américaine de Parker s’est étendue sur 18 années, essentiellement chez les Spurs de San Antonio (2001-18). Né en Belgique d’un père afro-américain, basketteur de surcroît, et d’une mère néerlandaise, il a acquis une notoriété qui continue d’éclairer les ambitions des aspirants sportifs de l’Hexagone. Au moment de mettre sous presse, les demi-finales de la NBA sont terminées et les finales sont en train de se préparer. Du côté de la WNBA, la saison régulière vient de s’ouvrir. La prochaine chronique se penchera sur les profils et les parcours de quelques basketteuses et basketteurs internationaux qui se seront illustrés d’ici là.