le Samedi 25 mars 2023
le Vendredi 25 février 2022 9:35 Communautaire

La Cour suprême de Nouvelle-Écosse se penchera sur une éventuelle circonscription électorale à Chéticamp

Marie-Claude Rioux, directrice générale de la FANE.   — Gracieuseté FANE
Marie-Claude Rioux, directrice générale de la FANE.  
Gracieuseté FANE
La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse se penchera du 21 au 25 novembre 2022 sur une demande de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, qui veut que Chéticamp devienne une quatrième circonscription électorale provinciale protégée pour les Acadiens néo-écossais. Un jugement positif marquerait la fin d’une attente de 30 ans.
Site Web FAJEF

Pour la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Marie-Claude Rioux, il est clair qu’en ce qui concerne cette question, « on est en mode rattrapage ».

Les premières circonscriptions protégées en Nouvelle-Écosse datent de 1992. À l’époque, la Commission sur la représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais a conclu que la meilleure façon d’améliorer la représentation effective de ces deux groupes serait de créer quatre circonscriptions protégées : celle de Preston, qui comptait entre 25 et 30 % de citoyens de descendance africaine, et celles de Clare, Argyle et Richmond pour les Acadiens néo-écossais.

Laissée de côté, Chéticamp a pour sa part continué de faire partie de la circonscription provinciale d’Inverness.

En 2012, les néo-démocrates de Darrell Dexter ont aboli les circonscriptions acadiennes protégées. Cinq ans plus tard, en 2017, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a déclaré cet acte anticonstitutionnel à la suite d’une bataille juridique menée par la FANE.

En 2019, le gouvernement néo-écossais a présenté de nouvelles délimitations de circonscriptions électorales, rétablissant les trois circonscriptions acadiennes.

La Commission de délimitation des circonscriptions électorales a toutefois rejeté la demande de création d’une quatrième circonscription acadienne avec Chéticamp. Depuis, la FANE ne cesse de se battre pour ce coin de pays.

Pourquoi une circonscription protégée?

Marie-Claude Rioux explique que les circonscriptions protégées ont permis aux communautés acadiennes de Clare, Agyle et Richmond d’avoir un poids au sein du gouvernement néo-écossais : « On avait des ministres à ce moment-là! »

La Commission s’est déplacée deux fois à Chéticamp, en 2018 et 2019, pour entendre les citoyens. La deuxième fois surtout, la salle était pleine, se rappelle Mme Rioux. D’après la directrice de la FANE, « l’espoir est né » cette journée-là pour les gens de la localité.

À ceux qui disent que Chéticamp ferait sans doute une trop petite circonscription avec ses quelque 5 000 habitants, Mme Rioux rétorque que des petits comtés moins populeux que la moyenne, « il y en a », comme la circonscription provinciale des Îles-de-la-Madeleine qui compte un peu plus de 10 000 électeurs.

De plus, la directrice générale mentionne que dans la lutte de Chéticamp pour avoir une circonscription protégée, les communautés anglophones, à ses frontières nord et sud, ont donné un avis favorable à la cause acadienne.

Le point de vue juridique

Optimiste prudente, Marie-Claude Rioux assure que son organisme n’entreprend pas cette bataille les yeux fermés : « Si on n’avait aucune chance de gagner, notre équipe juridique nous l’aurait dit. »

Cette équipe est composée des avocats Michel Doucet, Réal Boudreau et Réjean Aucoin. En novembre prochain, à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, le triumvirat aura ses arguments pour convaincre le juge bilingue Pierre Muise du bien-fondé de la demande. 

Natalie Aucoin, Marcel Bourgeois, Danielle Chiasson-Haché, Darlene Doucet et Maurice LeLièvre sont également codemandeurs dans l’affaire.

Me Réjean Aucoin est d’avis que des raisons historiques plaident notamment en faveur d’une circonscription protégée à Chéticamp. Il rappelle qu’au retour des Acadiens en Nouvelle-Écosse après le Grand dérangement, ce sont les autorités anglaises qui ont dispersé les Acadiens dans un but d’assimilation. 

« On nous a défendu d’être en grands groupes, explique l’avocat. Nous sommes les produits de l’histoire de cette procédure après la déportation. »

De plus, Me Aucoin mentionne que la Loi sur les langues officielles sera sûrement évoquée lors de ce procès civil. Dans son préambule, le gouvernement fédéral s’engage à « favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement ».

Selon l’avocat acadien, la partie adverse — la Province — avancera surtout des raisons économiques pour éviter de devoir créer une nouvelle circonscription. Il s’attend aussi à ce que le gouvernement soutienne que le député d’Inverness peut très bien s’occuper des citoyens de Chéticamp. Tout comme Marie-Claude Rioux, Me Aucoin ne le croit pas. Après tout, « la province n’est-elle pas fiduciaire du développement des Acadiens? » questionne le juriste. 

D’ici à novembre, les trois avocats se prépareront notamment en utilisant les avis que la FANE a sollicités auprès de certains spécialistes d’histoire et de géographie afin de prouver le bien-fondé d’une quatrième circonscription acadienne.

Chéticamp n’a pas eu de député acadien depuis l’élection d’Hubert Aucoin en 1925, mais cela pourrait changer si la FANE remporte sa cause.