Et là, l’autre jour, me voilà. Emmerdé, l’air bleuit. Tout ça pour la moitié d’une livre de beurre.
J’étais pogné d’une envie de biscuits. Dans ce cas, des biscuits aux beurre noisette et pistoles de chocolat. Le processus est assez simple: fond ton beurre jusqu’à ça commence à sentir les noisettes, refroidies un peu, et continue avec ta recette. Je l’ai fait mille et une fois.
Ça prit trente secondes, c’est tout. Je me suis assis pour répondre un message, mes yeux mirés vers mon téléphone et non le beurre qui brunissait, qui se transformait sous alchimie d’un produit à un autre. Mais l’alchimiste n’a pas payé son attention et son beurre s’est rendu du bruni à brûlé en trente secondes. De délicieux à détritus.
Y avait de la gadelle.
On l’a tous fait: on commence à cuisiner une recette qu’on a faite nos mille et une fois, une recette qu’on connaît très bien. Tout d’un coup, la moindre chose nous distrait, et paf. Temps perdu, ingrédients gaspillés, patience limée à une pointe fine.
J’avais envie de brouter, pas de bâtir un moulin à gadelles. J’vateur peinturé, y avait de la boucane dans la cabane, ou plutôt la cuisine.
Comme beaucoup d’individus pendant la pandémie, ma cuisine est devenue le lieu où je peux atteindre un soupçon de calme, de contrôle. La vie est folle dehors, mais icitte, je sais quoi faire. Je sais que si je rince mon riz, et que j’additionne assez d’eau pour couvrir le premier joint de mon index, moi riz va bien cuire. Je sais que si je prends mon temps à cuire mes oignons à température basse, je diminue le risque de les brûler, et améliore le goût de mon ragoût. Je sais que si je n’échaude mes patates râpées avec un bouillon chaud assez, ma râpure va être peu appétissante.
On connaît les processus nécessaires pour endurer la journée, pour survivre, pour nous nourrir âme et ventre. Ces connaissances sont des assurances, des déroulements qui nous guident vers un environnement prometteur, calme, qui nous mène vers un état de contentement tranquille.
Mais la, un jour, ça largue. Pas de raison nécessaire, mais ça largue. On est distrait par tout ce qui se passe autour de nous, et voilà. Travail ruiné, esprit emmerdé, focus perdu, esprit déboussolé. Peu importe comment vous voulez l’exprimer-chaviré, mal viré, pet de travers- on est emmerdé par notre arrogance qui nous a apporté ici.
Ça ne m’intéresse pas de vous décrire un optimisme saccharin, de raconter, « tout arrive pour une raison, » ou « c’est en faisant des fautes qu’on apprend. » Uh, non. Fais-moi pas heurter. Mais je vais vous dire que j’ai eu mon moment, il est passé, et j’ai repris mon air.
On est tous en plein milieu d’un marathon global qu’on ne sait pas quand il va finir. Faut savoir comment se soigner. L’étape numéro un est de se pardonner. On va avoir des journées ratées. Numéro deux, on n’est pas seul. On a tous eu des moments, des journées, des semaines où ça va mal. Je vous jure, tout le monde en a eu, et on sympathise avec toi. Numéro trois: Ça vaut la peine de réessayer. Ce marathon qu’on subit ces jours-ci? Il est plus maussade qu’on vieux biorque qui restes au fond des feutchaques. Nous, on sait comment se radorser.
Et moi? Je me radorse avec une main pleine de pistoles de chocolat, la moitié d’une livre de beurre fondu, de la farine, et du sucre. Oh, et je vais payer attention à ce que je fais. Sinon, il y aurait un autre moulin à gadelle dans la cuisine, et il n’y a pas assez de place pour deux. Mais il y a de la place en masse pour des biscuits, et de la patience.