le Jeudi 30 mars 2023
le Vendredi 5 novembre 2021 11:36 Éducation

La fin des cours à distance dès janvier 2022

Depuis septembre 2020, la seule université francophone de Nouvelle-Écosse, située sur la côte acadienne de Clare, offre un enseignement en modèle hybride, où les cours peuvent être suivis en personne ou à distance. À partir de janvier 2022, il ne sera cependant plus possible pour les étudiants du campus principal de Pointe-de-l’Église, de suivre leurs cours à distance. Ils seront tenus d’assister aux cours en personne, une décision qui est loin de faire l’unanimité dans la communauté étudiante. Plusieurs demandent à l’administration de reconsidérer son calendrier.  
Chaima Belmecheri
Gracieuseté

« On va essayer de retourner à une espèce de pré-COVID, surtout pour la qualité de l’enseignement et la qualité d’apprentissage », défend Allister Surette, recteur de l’Université Sainte-Anne (uSainteAnne).  

L’établissement a annoncé sa décision de mettre fin à l’enseignement à distance au campus de Pointe-de-l’Église par communiqué de presse, le 20 octobre. 

Les étudiants des quatre autres campus — Tusket, Saint-Joseph-de-Moine, Petit-de-Gras et Halifax — continueront de suivre leurs cours en ligne, comme c’était déjà le cas avant la pandémie.

« Le préavis de deux mois n’est vraiment pas suffisant »

Le recteur assure qu’une fois ce changement en vigueur, l’université continuera de suivre les directives de la Nouvelle-Écosse sur les restrictions relatives à la COVID-19. Les étudiants devront porter des masques dans tous les bâtiments du campus, à l’exception de leur propre résidence. 

« Les cours à distance n’étaient qu’une mesure temporelle, précise Allister Surette. Sainte-Anne est une institution de petite taille. C’est le sens de famille, l’approche personnalisée et la vie étudiante qui font Sainte-Anne. »

Il affirme que l’établissement a consulté la population étudiante et qu’il en est ressorti qu’un retour au présentiel serait bénéfique. Le Courrier de la Nouvelle-Écosse n’a pas été en mesure de confirmer cette information.

Selon Jeremy Wood, étudiant en cinquième année au Baccalauréat ès arts/Baccalauréat en éducation, la décision de l’université n’a pas fait l’objet de la consultation des étudiants qu’elle aurait dû avoir. 

« [La décision] ne m’affecte pas personnellement, mais elle affecte beaucoup de mes camarades qui ne pourront pas revenir à Clare pour le prochain semestre. Je pense que c’est vraiment triste », explique-t-il.  

« Le préavis de deux mois n’est vraiment pas suffisant et l’université aurait dû donner une forme d’avis général sur la possibilité que l’apprentissage en ligne ne soit plus disponible avant le début de l’année scolaire », ajoute M. Wood.  

Le recteur de l’établissement reconnaît qu’il n’a pas été facile de décider d’un bon moment pour en faire l’annonce. « On sait que ça crée des inconvénients pour des personnes, mais c’est un inconvénient d’un semestre, vraiment », assure Allister Surette.

Il ajoute que l’université tentera d’accommoder les étudiants qui ont de véritables obstacles au retour en personne.

Des étudiants mécontents

Le Courrier de la Nouvelle-Écosse a tenté à plusieurs reprises de joindre l’Association générale des étudiants de l’Université Sainte-Anne (AGÉUSA), sans succès.

L’ancien président de l’association en 2019-2020, Bailey Ross, a accepté de témoigner. À son avis, la décision de l’université était « purement financière. [L’Université] est complètement déconnectée des problèmes auxquels ses étudiants sont confrontés, et elle ne s’est pas souciée de savoir si [cette décision] allait affecter ses étudiants ou non ».

C’est également l’avis de Jeremy Wood. Pour lui, la décision « montre clairement que l’université se soucie plus de récupérer les pertes financières dues à COVID-19 que du bien-être général de ses étudiants ».

Hailey Golden, étudiante en quatrième année au Baccalauréat ès arts/Baccalauréat en éducation, dit avoir été choquée par la décision de l’université. Depuis le début de la pandémie, elle a quitté le campus pour retourner habiter dans sa ville natale de Bridgewater.

« J’ai l’impression d’être prise au dépourvu parce que [lorsque l’université] a annoncé ce printemps qu’elle [allait] continuer à proposer des cours en ligne, j’avais l’impression que ce [serait] pour toute l’année », indique l’étudiante.

« Je devrai quitter mon emploi à temps partiel, essayer de trouver un logement et trouver de l’argent pour me loger et me nourrir, car les prêts étudiants ne me donneront pas le financement supplémentaire nécessaire pour couvrir ces coûts », déplore Hailey Golden.

Allister Surette assure que l’université est compatissante envers les étudiants en situation financière difficile et qu’elle continuera à suivre leur cas de près. 

Université Sainte-Anne

Une pétition qui « n’aura aucun impact »

Rayane Kelkouli, étudiante en troisième année au Baccalauréat ès arts/Baccalauréat en éducation, a lancé une pétition pour contester la décision de l’université. Au moment d’écrire ces lignes, elle comptait 86 signatures.

« J’ai lancé la pétition pour que les étudiants puissent avoir une voix dans cette affaire. L’université est censée nous écouter et répondre à nos besoins », explique-t-elle. 

« J’aurais aimé que l’université prenne davantage en considération nos situations et nous donne plus de temps au lieu de nous le dire au milieu du semestre. Deux mois, ce n’est pas assez pour trouver un logement hors du campus », ajoute Rayane Kelkouli. 

Allister Surette s’attend à ce que certains signent la pétition «probablement parce qu’ils veulent rester chez eux pour toujours». Le recteur indique effectivement que la pétition n’aura pas de force légale.

Selon Bailey Ross, ancien président de l’AGÉUSA, la pétition n’aura aucun impact sur la décision de l’université : « L’une des signatures [sur la pétition] est la mienne. J’aimerais que cela ait un effet, mais ce ne sera pas le cas. Si ce n’est pas une pétition légale, [l’université] peut aller à l’encontre des étudiants, comme [dans ce cas-ci]. »

Allister Surette affirme que l’université essaiera d’accommoder chaque étudiant. Il ajoute que si suffisamment d’étudiants ayant de « vraies contraintes » s’inscrivent à certains cours, il est possible que ces cours soient offerts à distance par Teams. 

Bailey Ross affirme que si la décision lui revenait, il poursuivrait l’enseignement hybride pour le reste de l’année scolaire, car cette décision serait centrée sur l’étudiant.

« Aux étudiants et étudiantes : lâchez pas. Je sais que c’est injuste […] Vous n’avez pas été correctement consultés. Vous n’étiez pas la pensée principale dans cette décision. Souvenez-vous-en », conclut M. Ross.

Joanne Wood