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le Vendredi 17 septembre 2021 11:38 Environnement/Agriculture

Le parc provincial Owl’s Head attend son sort après les élections provinciales

Le parc provincial Owl’s Head.   — Société pour la nature et les parcs du Canada – Nouvelle-Écosse/Gracieuseté Lindsay Lee
Le parc provincial Owl’s Head.  
Société pour la nature et les parcs du Canada – Nouvelle-Écosse/Gracieuseté Lindsay Lee
En début 2019, le parc provincial Owl’s Head, situé à Little Harbour, a été retiré d’une liste provinciale de terres à protéger par Iain Rankin, alors ministre des Terres et des Forêts. Depuis, un promoteur privé tente d’acquérir ses quelque 285 hectares pour en faire des terrains de golf, ce à quoi s’opposent plusieurs Néo-Écossais. Ces derniers espèrent que la récente victoire du gouvernement progressiste-conservateur de Tim Houston pourrait signifier un autre avenir pour le parc.
Gracieuseté

Des manifestations ont eu lieu cet été à Halifax, organisées par des résidents qui s’opposent à la vente du parc. Un groupe, « Save Owl’s Head », a également été créé à cet effet.

Christopher Trider, qui a travaillé 21 ans comme planificateurs de parcs, en est le co-leader.

« Je pensais vraiment qu’à la lumière du changement climatique, de la perte d’habitat et de l’extinction des espèces, qu’une propriété comme [le parc provincial Owl’s Head] serait valorisée par les fonctionnaires concernés, qui seraient en mesure de bloquer ce genre d’accord, mais aussi qu’elle serait respectée par les politiciens et ne serait pas [privatisée] dans le dos du public », déplore-t-il.

L’ensemble du groupe déplore qu’« en mars 2019, le gouvernement provincial a secrètement retiré le parc provincial Owls Head [du] Plan pour les parcs et les zones protégées [provincial] », peut-on lire sur son site Web. 

C’est en novembre 2009 que le parc a été identifié comme une terre de conservation de niveau 1 (priorité absolue) dans le rapport final du Colin Stewart Forest Forum.

L’histoire révélée par un journaliste

C’est le journaliste d’investigation Michael Gorman, de CBC, qui a révélé l’histoire le 18 décembre 2019. Son article, intitulé N.S. won’t protect land with ‘globally rare’ ecosystem that company eyes for golf resort, a déclenché un mouvement de contestation populaire chez des résidents indignés par les plans du gouvernement.

D’après le Halifax Examiner, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse aurait par la suite supprimé de ses propres sites Web toute référence au parc provincial Owl’s Head. La fiche des valeurs de protection du parc provincial Owls Head et l’emplacement du parc sur la carte des parcs et des zones protégées auraient également été supprimés.

D’après Christopher Trider, le ministre des Terres et des Forêts de l’époque, Iain Rankin, avait alors déclaré qu’il était conscient de l’intérêt du public pour la sauvegarde du parc, mais qu’il s’en tenait au retrait de la liste et qu’il n’avait pas l’intention de protéger le parc bien qu’il soit identifié comme une terre de conservation de niveau 1 (priorité absolue). 

Le groupe débouté par le tribunal

Le 1er avril 2021, l’Eastern Shore Forest Watch Association (ESFWA) et le président de Nature Nova Scotia, Bob Bancroft, ont porté l’affaire Owl’s Head devant les tribunaux.

« Ce que nous voulions, c’était établir un précédent selon lequel des actions sournoises comme celle-ci de la part du gouvernement n’étaient pas dans l’intérêt public et faire modifier les lois en ce sens », explique Bob Bancroft. 

Avec cette affaire judiciaire, les requérants espéraient que la juge Brothers ordonne au ministère des Terres et des Forêts de reconsidérer sa décision et d’arrêter le projet, mais Bob Bancroft affirme qu’elle n’a pas pu le faire.

« Deux semaines avant les élections provinciales, la juge Christa Brothers a décidé qu’elle ne pouvait rien trouver dans la loi pour protéger l’intérêt public, ajoute M. Bancroft. Elle a dit que cela pourrait être décidé par le vote. »

Bien que la décision du tribunal n’ait pas accordé aux requérants la réparation qu’ils espéraient, M. Bancroft assure que ce n’est pas une perte totale : « Dans un sens, nous avons perdu, mais dans un autre sens, nous avons gagné parce que les libéraux n’ont pas été élus. » 

Christopher Trider espère que le nouveau premier ministre, Tim Houston, mettra fin au projet.

« Au minimum, nous nous attendons à avoir l’opportunité d’une audience équitable sur cette question. Nous n’avons jamais obtenu cela avec Rankin et les libéraux », souligne-t-il.

« Nous sommes convaincus que, dans le cadre d’un examen indépendant, ce projet sera rejeté en raison de l’impact dévastateur qu’il aurait sur les écosystèmes de la région et de la perte qu’il représente pour la population de la Nouvelle-Écosse. [Le terrain de golf] n’a pas besoin d’aller là. Il peut être installé ailleurs. On n’a pas besoin du parc pour le faire », ajoute Christopher Trider.

La plateforme du Parti conservateur de Tim Houston comprenait des engagements envers la protection des terres, soit un objectif de protéger 20 % de la masse totale des terres et des eaux de la Nouvelle-Écosse d’ici 2030. Aux yeux de Christopher Trider, cela semble indiquer que le gouvernement conservateur respecte l’intérêt public sur cette question. 

Une lueur d’espoir après un tollé public

Pour Bob Bancroft, « ces choses valent la peine qu’on se batte pour elles […] Si ce [projet] passe, il établit une norme à travers le Canada selon laquelle les gouvernements peuvent commencer à retirer des zones que les gens pensent être protégées et les vendre pour une somme dérisoire [306 $ l’acre] ».

C’est dans ce même état d’esprit que Christopher Trider a accepté de se joindre au mouvement Save Owl’s Head lorsque la résidente de Little Harbour Sydnee Lynn McKay, qui a créé le groupe Facebook du même nom, le lui a proposé.

Le groupe, qui compte maintenant plus de 10 000 membres, continue de se mobiliser et de protester en faveur de la protection du parc provincial Owl’s Head. Malgré les obstacles, Christopher Trider ne se décourage pas.

« Je suis très encouragé par le soutien de la nation mi’kmaq, des grands-mères, d’Elizabeth Marshall [membre du Sénat du Canada, NDLR] et de Dorene Bernard [grand-mère mi’kmaq et titulaire de la Chaire Coady en justice sociale en 2017, NDLR] et d’autres membres de notre groupe [Facebook] », souligne-t-il.

« C’est agréable de voir qu’ils sont restés avec nous, car beaucoup de gens quittent les groupes lorsque le point de ralliement s’estompe. Eux restent engagés et sont un peu comme moi : ils attendent et espèrent que ce gouvernement fera ce qu’il faut. Les gens méritent cela. Ils en ont besoin. Une fois que ces opportunités sont perdues, elles le sont pour toujours ».