Dans les années 1800, le Royaume d’Afghanistan était une des puissances d’Asie centrale jusqu’à (quelle surprise), que l’Empire britannique décide de le coloniser. Plusieurs campagnes militaires placent l’Afghanistan en ligne avec l’Empire britannique; ce n’est qu’en 1919 que débute la troisième guerre anglo-afghane (ou Guerre d’indépendance afghane), suite à laquelle le Royaume d’Afghanistan retrouve son indépendance.
C’est à ce moment que l’Afghanistan se modernise. Malgré une guerre civile en 1928-1929, le pays établit sa première constitution (1921), interdit l’esclavage (1923), établit une banque nationale, des écoles publiques, des routes, entre autres. La modernisation se poursuit graduellement, même si elle est difficile à certains niveaux : beaucoup de gens vivent dans des parties reculées du pays, il reste des structures féodales, des tribus et le pays montagneux pose des défis importants à l’infrastructure.
Dans les années 1960, l’Afghanistan se présente comme un état en développement relativement paisible. Il est resté neutre durant les dernières guerres mondiales et garde de bonnes relations avec les pays du bloc de l’Est, et du bloc de l’Ouest, figurant parmi les états fondateurs du Mouvement Non-Aligné.
De fait, le pays reçoit de l’aide au développement de la part des États-Unis et de l’Union soviétique (qui tous deux veulent influencer la politique afghane). En 1973 se produit un coup d’état non violent, lorsque le roi est en Europe. Une république est déclarée, une nouvelle constitution sera passée en 1977. Les organisateurs du coup déclarent vouloir continuer la même politique de neutralité que celle du royaume, en soutenant un développement plus rapide de politiques socialistes. En 1978, le Parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA) lance un coup, avec le support de l’armée, contre la nouvelle république.
Le PDPA lance ce coup car il souhaite des réformes plus importantes. Parmi celles-ci, l’interdiction de mariage forcé, interdiction de la loi sharia, séparation de la religion et de l’état, droits égaux pour les femmes, réformes agraires, éradication de l’illettrisme… C’est la Révolution de Saur, et la naissance de la République démocratique d’Afghanistan. Les réformes font évidemment des mécontents, surtout parmi les groupes traditionalistes et religieux.
Il faut ensuite prendre en compte le voisin à l’Est : le Pakistan. Le Pakistan devint une république en 1956, suite à une campagne pour créer un état pour les musulmans de l’Inde britannique. Jusqu’en 1977, un coup d’état militaire remplace le gouvernement socialiste par un gouvernement de droite religieuse aux traits dictatoriaux sous le Général Zia-Ul-Haq. Le régime utilise de nombreux groupes paramilitaires, et encourage l’islam radical.
Ce régime reçoit le support du bloc de l’Ouest. Le bloc de l’Ouest profite de ce nouveau régime au Pakistan pour lancer l’Opération Cyclone. Par l’opération cyclone, la CIA et le MI6 entre autres, créeront des camps d’entrainement, et fourniront des armes, aux Moudjahidines.
Le terme moudjahidin signifie littéralement « résistant » ou « combattant ». En Afghanistan, il désigne les combattants traditionalistes, religieux, nationalistes. Ils font irruption au début de la guerre civile en 1978. C’est également en 1978 que débutera l’intervention soviétique en Afghanistan, souvent juste appelé Guerre d’Afghanistan. Suite à des demandes d’aide de la part du PDPA (nouveau gouvernement), l’Union soviétique envoie des forces armées en Afghanistan. Accusée à l’international de vouloir créer un état satellite, l’Union soviétique présente son intervention, comme une réponse à une demande légitime de la part de la nouvelle république. En bref, l’armée soviétique est là légalement pour aider son allié (officiellement).
Les Moudjahidines défendent la religion et les valeurs traditionnelles. L’opération cyclone va prendre avantage de cela. Pourquoi?
Dans presque toutes les guerres civiles du 20e siècle, la religion a été un instrument politique (ici je ne critique pas la religion; je critique la politique qui utilise la religion). Durant la guerre civile espagnole, les fascistes utilisèrent le catholicisme (si tu es catholique, tu es aussi fasciste, parce que les républicains veulent enlever le pouvoir à l’église). On le verra en Indonésie sous la dictature de Sueharto, au Chile sous la dictature de Pinochet, dans les Balkans dans les années 1900, 1910, 1920, et 1990… L’entrainement des Moudjahidines crée le lien : si tu es Afghan, tu es musulman et traditionaliste, et il faut détruire l’état qui veut détruire la religion et les traditions. C’est par l’Opération Cyclone que, au Pakistan, les Moudjahidines Afghan vont recevoir des armes, un entrainement militaire, et autres ressources. Des organisations mises en place par la CIA et ses alliés durant cette opération recrutent les jeunes Afghans pour le Jihad contre les Soviétiques.
Les Soviétiques resteront jusqu’en 1989. En 1992 la république est finie. Une autre guerre civile durera jusqu’en 1996, puis une autre jusqu’en 2001… C’est pendant ce temps que les Moudjahidines commenceront à s’appeler Talibans.
À partir des années 1990, le Bloc de l’Est n’existe plus. Cela veut dire que le Bloc de l’Ouest n’a plus besoin des Moudjahidines, et ne leur offre plus de support. Pour remplacer cela, les Talibans mettront en place leurs pratiques actuelles – prendre les ressources de la population locale et trafiquer de la drogue, notamment.
À partir de 2001, l’OTAN (qui avait créé les Talibans pour lutter contre l’URSS trente ans plus tôt) lance des opérations pour rétablir une république en Afghanistan. 20 ans plus tard (maintenant), les Talibans contrôlent toujours la majorité du pays.
Désormais, les forces de l’OTAN se retirent, laissant les Talibans prendre contrôle de tout le pays.
Quelles sont des solutions?
Premièrement il faut regarder les origines des Talibans (le « pourquoi »). Deux aspects sont fondamentaux ; la religion et le nationalisme. Les Talibans se décrivent eux-mêmes comme « Émirat islamique en Afghanistan » – sorte de « royaume de droit divin » si on veut utiliser un autre vocabulaire. La religion est là, mais la religion est au service du nationalisme. Le problème à la base n’est pas tant la religion, mais que la religion a été utilisée pour promouvoir un ultra conservatisme nationaliste. Dans les années 60-70, quand le féminisme moderne était en essors dans nos pays, la CIA subventionnait l’islam radical en Asie centrale dans l’espoir de « combattre le socialisme » (vérifiez pour vous même, faites une recherche sur l’Opération cyclone).
Par conséquent, ce n’est pas en blâmant la religion, comme le font certains groupes d’extrême droite, que nous allons arriver à quelque chose. Si nous voulons combattre des groupes comme les Talibans et leurs valeurs plus que passées date, il faut combattre le nationalisme extrême.
Nous ne pouvons pas combattre le nationalisme en Afghanistan. Pourquoi? Parce que l’on ne nous écoutera pas. Dans le principe même de ce nationalisme, il y a l’idée que le mot venu de l’extérieur est mauvais. De plus, dans un pays comme l’Afghanistan, qui a souffert du colonialisme, il y a une forme de traumatisme par rapport à « des gens d’autres pays qui viennent nous dire quoi faire ». Nous ne pouvons pas leur dire quoi faire, car c’est là une des sources de ce nationalisme (ça, et vingt ans d’Opération Cyclone). Nous pourrons, bien sûr, appuyer les Afghans militairement et économiquement ; il y a seulement le problème qu’un appui trop direct de l’extérieur motive les Talibans aussi. Un appui aux Afghans ne doit pas être une nouvelle intervention, ou une nouvelle colonisation, mais un appui le moins visible possible (c’est ce que je pense).
Il faut que les solutions viennent d’Afghans eux-mêmes. Comment cela peut-il se faire alors ? En acceptant des réfugiés, nous n’offrons pas juste à des gens la possibilité de ne pas mourir (car dans ce cas, il sera souvent question de vie ou de mort pour les réfugiés) : nous offrons la possibilité de s’organiser, de collaborer, voire de rebâtir l’Afghanistan de l’extérieur. Nous l’avons vu dans d’autres cas historiques dans des parties de l’Europe, de l’Asie… déjà même de l’Afghanistan en tant que tel. Par exemple, l’actuelle directrice de l’Organisation de Film afghan, Sahraa Karimi, qui a émis le 16 août un appel à l’aide aux médias internationaux, a grandi en Iran, puis en Slovaquie, avant de retourner en Afghanistan quand la situation le lui permettait.
C’est en acceptant des réfugiés que nous pouvons combattre des organisations telles que les Talibans, et que nous permettons aux Afghans eux-mêmes de développer des idées, des stratégies, de former des structures, pour transformer le nationalisme religieux, envers un nationalisme moderne, progressiste et ouvert.
Pensons ensuite aux réfugiés qui ne joueront pas un rôle envers la reconstruction de l’Afghanistan, mais à ceux qui s’établiront parmi nous pour de bon. Dans le passé déjà, le Canada a accepté de nombreux réfugiés afghans, et ceux-ci se sont établis ici, avec la reconnaissance de ne plus avoir de bombes qui détonnent autour d’eux, et un sentiment d’appartenance souvent plus important qu’ont des individus nés ici.
La seconde chose que nous pouvons faire est de décriminaliser toutes les drogues et d’envoyer un message à la communauté internationale de faire pareil, et de légaliser le cannabis.
Les organismes comme les Talibans se subventionnent par le trafic de drogue, principalement les drogues dérivées de l’opium (héroïne, etc.) et le cannabis. Toute recherche démontre que l’interdiction des drogues ne fait pas baisser la consommation. L’illégalité du cannabis ne fait rien d’autre que donner une place à cette drogue sur le marché noir. Le Canada, l’Uruguay, les Pays-Bas et certains états américains, ont ouvert la voie : il faut mettre de la pression sur la communauté internationale pour légaliser et réglementer la production et la vente de cannabis, ce qui coupera les fonds aux organismes tels que les Talibans. La décriminalisation des autres drogues offre une meilleure façon de réglementer celles-ci et d’aider les individus souffrant d’addiction. La décriminalisation dans certains pays, tels que le Portugal, démontre que la décriminalisation mène à une meilleure gestion du problème et à une baisse de consommation de drogues.
Voilà ce qui me semble deux des principales actions que nous, en tant que Canadiens, pouvons appuyer. La situation est évidemment complexe – comment peut-elle ne pas l’être après environ cinq décennies de guerre civile? Une chose est certaine, si les Talibans gagnent plus de pouvoir, cela aidera d’autres organisations du même genre autour du monde. Après les efforts que le Canada a déjà investis en Afghanistan, ou à combattre des organismes tels que Daesh/ISIS, il serait incompréhensible de ne pas faire tout notre possible maintenant.