
À la suite de la Conférence de Paris sur les changements climatiques en 2015, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de GES d’au moins 30 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2005.
Le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse s’est engagé à faire mieux en atteignant une réduction de 53 % pour les mêmes dates.
Coordonnateur aux énergies renouvelables et à l’électricité à l’Ecology Action Centre (EAC) d’Halifax, Gurprasad Gurumurthy estime que la mise sur pied du projet énergétique Goldboro LNG de Pieridae Energy détournera la province de ses objectifs de réduction des GES, ramenant peut-être même la production au niveau de 2015.
« Le gaz naturel, ou le gaz fossile, est associé à des émissions de méthane, un GES puissant. Il y a des émissions fugitives associées à l’extraction et à l’exportation du gaz qui créeront ces émissions dont nous parlons », explique-t-il.
Ken Summers, membre du comité directeur de la Nova Scotia Fracking Resource and Action Coalition (NOFRAC), milite également contre le projet. Ce qui l’inquiète, ce n’est pas tant le lien de Goldboro LNG avec la fracturation hydraulique, mais plutôt les énormes émissions de gaz à effet de serre qui seraient créées par l’usine.
«Pour alimenter les compresseurs de liquéfaction du gaz, l’usine brûlera un taux de gaz fossile plus élevé que le taux des émissions de GES actuellement émises par la N.-É. et le N.-B. combinés», illustre Ken Summers.
L’opposition au projet
Le militant indique que le projet suscite une large opposition partout : en Alberta, en Nouvelle-Écosse, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Finlande et même en Allemagne, pays qui s’est engagé à acheter le gaz liquéfié produit.
« Tous ces endroits ont un rôle à jouer dans ce que Pieridae veut faire. La raison pour laquelle le groupe du Québec est impliqué est que Pieridae — et cela, ils ne veulent pas l’admettre — devra construire un nouveau pipeline dans le sud du Québec », dévoile-t-il.
L’organisation spécialisée en droit de l’environnement Ecojustice Canada a envoyé en mai 2021 une lettre au ministère fédéral Environnement et Changement climatique Canada et à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) au nom de huit groupes environnementaux canadiens, dont l’EAC et la NOFRAC.
Le groupe y demande que le projet fasse l’objet d’une étude d’impact fédérale complète et actualisée, puisque la décision d’autoriser un tel projet revient au gouvernement fédéral.
Cette lettre cite un extrait d’une analyse menée par le professeur de l’Université Dalhousie Larry Hughes, qui s’intéresse à la sécurité énergétique et aux politiques énergétiques et climatiques.
Les alternatives
Selon Larry Hughes, accroître l’utilisation d’énergies renouvelables et réduire la consommation de charbon contribueraient largement à réduire les émissions de la Nouvelle-Écosse.
Il mentionne également l’apport favorable qu’aurait la boucle atlantique pour interconnecter les fournisseurs d’électricité du Québec, de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse afin d’améliorer la fiabilité énergétique régionale.
« Les émissions annuelles de Nova Scotia Power (NSP) passeraient d’environ six ou sept mégatonnes à 0,46 mégatonne, soit presque rien. C’est suffisant pour facilement atteindre les 53 % », conclut Larry Hughes.
Il indique que la solution repose sur les efforts de réduction des émissions de NSP puisque les autres secteurs polluants pourraient difficilement réduire leurs taux d’émissions actuels : «Si NSP réduit ses émissions à 0,5 mégatonne d’ici 2030 et que les autres secteurs [le transport, la construction, le pétrole et le gaz, et autres, NDLR] ne font aucun effort pour réduire leurs émissions ou qu’ils connaissent une croissance limitée de leurs émissions, l’objectif de 53 % peut facilement être atteint», conclut Larry Hughes.
Le professeur souligne toutefois les défis que présente le projet de Pieridae Energy. Il explique que l’entreprise propose d’avoir une installation pour neutraliser le CO2 en le pompant dans le sol pour le stocker. La Nouvelle-Écosse serait cependant responsable des émissions si l’installation de stockage du carbone en Alberta tombait en panne ou ne pouvait capturer autant d’émissions que Pieridae en produirait.
« Un autre point qui n’est pas mentionné [par Pieridae Energy], c’est que lorsque vous expédiez du gaz naturel, les tuyaux fuient. Le méthane est un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2. Donc est-ce que Pieridae capterait des émissions supplémentaires pour prendre en compte toutes les pertes qui auraient lieu lors du transport du gaz naturel de l’Alberta à la Nouvelle-Écosse? » se demande-t-il, perplexe.
Larry Hughes espère à tout le moins que la géologie du site de capture qui accueillerait les émissions serait apte à retenir le carbone pour toujours.
