le Lundi 27 mars 2023
le Jeudi 4 mars 2021 12:32 Communautaire

Rapport provisoire du représentant spécial sur le droit de pêcher à des fins de subsistance convenable

Allister Surette, représentant spécial du gouvernement fédéral de la pêche de subsistance convenable.   — Richard Landry
Allister Surette, représentant spécial du gouvernement fédéral de la pêche de subsistance convenable.  
Richard Landry
POINTE-de-l’ÉGLISE : En prévision de son rapport final prévu à la fin mars, Allister Surette, représentant spécial du gouvernement fédéral en ce qui concerne le conflit de la pêche de subsistance modérée du peuple autochtone aux Maritimes, a présenté un rapport provisoire récemment.

Le rapport, intitulé Mettre en œuvre le droit de pêcher à des fins de subsistance convenable : Rétablir la confiance et établir une voie constructive pour l’avenir, a été présenté à la ministre des Relations couronnes-autochtones, l’honorable Carolyn Bennett, et à la ministre des Pêches et Océans, l’honorable Bernadette Jordan en janvier.

Allister Surette avait consulté environ 85 intervenants dans la pêche commerciale du homard et des autochtones et il en a consulté environ 50 autres depuis, soit des représentants d’associations de pêcheurs et des experts dans le domaine. Il n’a pas fini. 

Selon lui, il a tenté de consulter des autochtones qui ne voulaient pas parler parce qu’ils ne comprenaient pas son mandat. « Le gouvernement m’a nommé sans les consulter, ils ont voulu consulter directement avec le gouvernement, alors ils se demandent pourquoi m’avoir choisi comme représentant. Pour eux, ce n’était pas nécessaire d’avoir un représentant spécial. Mon rôle a commencé au le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, mais mon mandat est spécifique aux titulaires des droits de pêche des autochtones dans toutes les provinces de l’Atlantique, non seulement en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi dans une partie de Gaspésie, selon les droits de pêche établis par la décision Marshall », a-t-il expliqué.

Selon l’arrêt Marshall de 1999, la Cour suprême du Canada a confirmé que les traités garantissaient le droit de pratiquer la chasse, la pêche et la cueillette à des fins de subsistance convenable en vertu des traités de paix et d’amitié de 1760 -1761. Il existe 35 communautés des Premières Nations autochtones dans les Maritimes et en Gaspésie qui sont concernées par l’arrêt Marshall.    

La Cour suprême n’a pas fourni une définition claire de ce qu’englobe la subsistance convenable, laissant plutôt aux parties le soin de déterminer le champ d’applications de ce droit, tout en reconnaissant que le gouvernement fédéral a le pouvoir de réglementer la pêche autochtone à des fins de subsistance convenable lorsque cela est justifié par des raisons de conservation ou autres, selon le rapport. Depuis bientôt 22 ans, cette réglementation n’a pas été établie.

Malgré le nombre d’initiatives prises depuis 1999, il semble y avoir un manque de progrès du côté de la mise en œuvre de l’arrêt Marshall, a précisé l’auteur du rapport. La Première Nation Sipekne’katik a lancé une pêche au homard dans la Baie Sainte-Marie en invoquant son droit de pêcher à des fins de subsistance convenable. Cette pêche a été menée en dehors de la saison réglementaire pour les titulaires de pêche commerciale du homard dans la zone concernée de pêche du homard (zone 34). Les pêcheurs de Sipekne’katik, avec leur chef Mike Sack, ont élaboré leurs propres plans de pêche auto-réglementée et ils ont délivré des permis et des étiquettes à sept membres de leur communauté le 17 septembre dernier.   

Les pêcheurs locaux du Sud-Ouest ont protesté contre cette pêche hors-saison en affrontant les pêcheurs autochtones venus d’aussi loin que 270 kilomètres. D’où la confrontation qui a eu lieu dans la région de Clare surtout à l’automne dernier, déclenchant une pêche de subsistance dans la région.

Selon ce qu’il a entendu, monsieur Surette a noté qu’il y a de nombreux processus et dossiers qui devront être abordés pour aller de l’avant de manière constructive relativement à la réconciliation avec les peuples autochtones et à leur droit de pêcher pour assurer une subsistance convenable. 

« Au cours de mes discussions, les autochtones et les non-autochtones ont tous soulevé l’importance que toutes les parties se respectent, selon Allister Surette. Tous les intervenants partagent les mêmes ressources physiques et naturelles. »

Il a abordé les principaux enjeux, dont : 1) le manque de confiance et de respect, d’où la méfiance envers les directives du gouvernement fédéral, 2) les efforts d’établissement de relations qui doivent être une priorité, surtout le dialogue entre toutes les parties, 3) la complexité de la situation et la mise en œuvre des décisions des tribunaux concernant les droits issus des traités qui comportent de multiples facettes. Il faut trouver, selon les personnes interviewées, une façon ordonnée et éclairée de résoudre ce problème, 4) de meilleurs échanges et une communication de renseignements factuels, car ce n’est pas clair, et il y a des différentes façons d’interpréter les règlements de la décision Marshall qui ne sont pas spécifiques, 5) la transparence, le dialogue et la contribution, d’où la frustration, 6) les négociations concernant les ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits de pêche. Toutes les parties ont exprimé leur frustration et remis en question ce processus et 7) l’application de la Loi, surtout en l’absence de directives claires de la part du gouvernement du Canada en matière du droit de pêcher à des fins de subsistance convenable. 

« Toutes les parties que j’ai interrogées reconnaissent l’importance de la pêche le homard, un moteur économique clé de nos collectivités côtières et des provinces de l’Atlantique, et qu’il ne serait dans l’intérêt de personne de mettre cette industrie en péril », selon le rapport. Il suggère de plus que les droits issus des traités, de l’histoire et de la culture des autochtones ainsi que le marché du homard soient abordés pour favoriser les dialogues positifs et bénéfiques. 

Les prochaines étapes de sa consultation auprès des intervenants en pêche du homard concernent les points possibles suivants : 1) un centre d’échange d’information facilitant l’accès à des informations officielles, concrètes et pertinentes. Il y a selon lui un manque d’information qui sort des deux groupes et des autorités. « Les pêcheurs locaux n’ont aucune place dans les négociations nationales, il faut les garder au courant et les consulter, selon lui.  Il y a un manque d’information et de mauvaises informations qui sortent de différents groupes », 2) un groupe de référence visant à favoriser la transparence et le renforcement de la mobilisation de l’industrie commerciale dans les questions d’intérêt des préoccupations relatives à l’accès des autochtones à la pêche et 3) les forums de discussions, soit la nécessité de créer un site sûr où les parties régionales et locales pourront discuter de questions importantes et laisser de côté les émotions extrêmes en se rassemblant sans émotion autour d’une même table. 

« Je me réjouis en particulier de poursuivre un dialogue constructif avec les dirigeants des Premières Nations en Nouvelle-Écosse et d’ailleurs. J’utiliserai les observations formulées jusqu’à présent. J’ai aussi hâte de recueillir plus d’informations et les points de vue ainsi que de connaître les engagements des parties relativement à ces lieux et forums. »

Le consultant dit avoir reçu très peu d’objections de la part des pêcheurs commerciaux de la région si les autochtones pêchaient durant la saison de pêche établie par le ministère des Pêches et Océans. Il a comparé la situation de la Baie Sainte-Marie à celle de la région de Saint-Pierre, au Cap-Breton, où les autochtones ont là aussi réclamé leurs droits de pêche au homard et où là aussi cette pêche a été contestée. « Là, le cas est semblable, c’est différent, mais semblable. Il y a eu beaucoup plus d’émotions et de tension au Sud-Ouest. Il faut maintenant faire de quoi plus tôt que plus tard afin d’éviter les tensions comme l’an passé », selon lui.