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le Mercredi 23 octobre 2019 1:49 Arts et culture

L’auteur Edward M. Langille lance à Chéticamp The Story of Lillian Burke

Le professeur Edward M. Langille s’adresse à un auditoire attentif aux Trois Pignons, lors du lancement de son livre The Story of Lillian Burke. — Lisette Bourgeois
Le professeur Edward M. Langille s’adresse à un auditoire attentif aux Trois Pignons, lors du lancement de son livre The Story of Lillian Burke.
Lisette Bourgeois
CHÉTICAMP : Aux débuts de la fondation de Chéticamp et de la région, les familles ont dû trouver des moyens de survivre et de se réchauffer pendant les durs mois d’hiver. Beaucoup élevaient des moutons pour la laine et tricotaient des vêtements et fabriquaient des tapis. C’est ainsi qu’est née toute une variété de types de tapis incluant les tapis à défaisures, les tresses, les catalognes, les rosettes, les breillons et, plus tard, la méthode la plus populaire encore utilisée à l’heure actuelle, les tapis houkés en laine sur toile de jute qui sont maintenant davantage objets d’art qu’objets utilitaires.

     Depuis plus d’un siècle, les femmes et les hommes acadiens sont reconnus pour leur incroyable travail manuel, car ils créent notamment de magnifiques tapis houkés, selon une tradition transmise de génération en génération. Si la laine cardée par nos ancêtres pouvait reprendre vie, quelle histoire elle raconterait sur les tapis houkés de Chéticamp. Un seul fil pourrait peut-être nous éclairer sur la façon dont les femmes se réunissaient pour travailler à de grands tapis, emmêlant à leur ouvrage des larmes de joie, des fous rires et parfois même d’amères larmes de chagrin, surtout pendant la sombre période de la guerre. Cet unique fil conducteur contiendrait peut-être la clé de tant d’histoires restées inédites, en particulier celles remontant à l’époque de Lillian Burke.

     L ’histoire de Lillian Burke suscite beaucoup de curiosité depuis plusieurs décennies. Heureusement, grâce à l’infatigable labeur de l’auteur Edward M. Langille, nous avons maintenant en main la biographie de cette femme remarquable dont la carrière aux multiples facettes s’est étendue sur plus de cinq décennies. L’histoire de Lillian Burke…Quel cadeau incroyable, une contribution inestimable au monde des arts.

     Edward M. Langille la décrit en ces termes : « Formée dans la tradition du mouvement anglo- américain de l’artisanat d’art, Lillian portait de nombreux chapeaux. Professeure d’art inspirante et artisane accomplie, pionnière dans le domaine de l’ergothérapie, Lillian a travaillé à l’étranger comme aide en réhabilitation pendant la Première Guerre mondiale et, par la suite, comme thérapeute au New York State Psychiatric Institute. » Son histoire n’avait encore jamais été racontée.

     « Artiste et artisane américaine, Lillian Burke, a joué un rôle déterminant dans le développement de l’industrie artisanale des tapis houkés du Chéticamp des années 1920. Avec le soutien de Marian, la fille cadette d’Alexander Graham Bell, Burkie, comme on l’appelait affectueusement, a insufflé un nouveau souffle à l’industrie artisanale pendant les jours difficiles de la Grande Dépression. La conception innovatrice des tapis de Lillian introduisait de délicats motifs de fleurs, d’oiseaux, d’animaux de la forêt, de guirlandes et de treillis, élaborés avec une laine teinte et filée à la main dans une palette distinctive de tons doux et nuancés. Les tapis que les femmes de Chéticamp créèrent sous la supervision de Lillian Burke furent bientôt commandés par les illustres décorateurs de New York et d’autres grands centres de la mode. Le tapis de Lillian, La Savonnerie réalisé en 1937, est considéré comme un chef-d’œuvre. Il a fallu trois mois à Lillian pour préparer la sous-couche de toile de jute de 18 pieds sur 36 pieds; et il a fallu six mois et plus de 125 couleurs aux houkeuses expertes de Chéticamp pour créer ce que l’on dit être le plus grand tapis houké à la main de l’époque ».

     Le 17 septembre dernier, une cinquantaine de personnes se sont réunies aux Trois Pignons pour participer au lancement du livre The Story of Lillian Burke. Edward M. Langille est professeur de langues vivantes (langue et littérature françaises) à l’Université St. Francis Xavier à Antigonish, en Nouvelle-Écosse, depuis 1989. D’abord formé à l’Université Sainte-Anne, de la Pointe-de-l’Église, le professeur Langille est un éditeur, traducteur et historien littéraire très respecté. Le gouvernement français lui a décerné le grade de Chevalier de l’Ordre des palmes académiques.

     Edward Langille se spécialise dans le Siècle des lumières et il est parmi les plus grands spécialistes canadiens de Voltaire et de son œuvre. Il se spécialise également dans l’étude de la culture et de l’histoire acadienne. En juillet 2011, M. Langille a découvert plus de 125 motifs peints à la main pour tapis houkés dans un magasin d’antiquités à New Glasgow. Les dessins, créés par l’artiste et enseignante américaine Lillian Burke, ont depuis été donnés à l’Institut Beaton de l’Université du Cap-Breton. Cette découverte a incité le professeur Langille à mener des recherches approfondies sur la vie de Lillian Burke ainsi que sur sa contribution à l’industrie des tapis houkés qui a si bien servi Chéticamp au fil des ans.

     En 2014, plusieurs personnes se sont réunies à la Place des arts Père-Anselme-Chiasson à Chéticamp pour une présentation unique, inspirante et éducative du professeur Edward Langille sur « La vie et la carrière de M. Lillian Burke 1880-1952 ». Il a prononcé sa conférence avec tant de facilité et de familiarité, un peu comme s’il avait lui-même connu Lillian Burke. Il l’a décrite comme une femme bien de son époque, une femme remarquable, dynamique et fantastique. Il a captivé l’auditoire en parcourant les chapitres de sa vie au moyen d’une présentation de diapositives, révélant des détails découverts au fil de ses recherches méticuleuses. Heureusement pour nous, Edward Langille a consigné toutes ces découvertes dans un livre très captivant et impressionnant.

     Douglas Arthur Brown de Boularderie Island Press était le maître de cérémonie lors du lancement du livre. Napoléon Chiasson, président de la Société Saint-Pierre, a prononcé quelques mots de bienvenue. Martin Grosvenor Myers, arrière-petit-fils d’Alexander Graham Bell, qui a également écrit l’avant-propos du livre, était un invité spécial pour cet événement. Enfin, l’auteur, Edward M. Langille, s’est adressé à l’auditoire, expliquant son parcours et son intérêt pour Lillian Burke et il a lu des extraits du livre. Le tout a été suivi de discussions, de séances de dédicaces et de rafraîchissements.

     « Edward Langille a su se transformer en un merveilleux détective, tout cela après avoir admiré et acquis une collection d’esquisses à l’aquarelle de Burkie. Il a organisé ses découvertes pour en faire une riche biographie de cette bonne dame qui a su toucher la vie de tant de gens. Il fallait raconter son histoire. Il a su le faire avec brio en nous révélant l’admirable capacité de Burkie d’interagir avec les autres : autant les futurs enseignants, que les jeunes enfants avides d’apprendre, qu’une communauté de femmes qui tentaient d’améliorer leur sort ou que des soldats se relevant des horreurs de la guerre », a dit M. Meyers dans son introduction. « Burkie était incontestablement une artisane enseignante douée, mais je crois que sa plus grande réussite aura peut-être été sa capacité à enseigner la confiance et l’estime de soi », a-t-il ajouté.

     « Nous avons eu le plaisir de travailler avec M. Langille pendant de nombreuses années et il est devenu un ami pour nous. Ses recherches approfondies nous ont permis de mieux connaître et d’apprécier l’influence de Lillian Burke dans notre industrie du tapis houké », affirme Lisette Bourgeois, directrice générale aux Trois Pignons. Le livre est une excellente ressource pour notre musée des Trois Pignons où il est d’ailleurs en vente. »

     Cette dame remarquable et talentueuse est décédée en octobre 1952 et a été inhumée dans une tombe non marquée aux côtés de sa mère, de son père et de ses frères et sœurs au cimetière de Mount Olivet, à Washington, D.C.

     En Nouvelle-Écosse, Marian Fairchild a voulu se souvenir de Lillian Burke et elle a écrit : « L’inspiration qu’elle a transmise aux femmes de Chéticamp survivra. Je crois que pendant encore de nombreuses années, quelque chose d’elle, une certaine qualité de design ou de coloris, persistera dans les tapis houkés de Chéticamp. »

     Nous avons une dette de gratitude envers le professeur Langille pour ses efforts à percer le mystère de Lillian Burke, qui a eu un impact considérable sur la vie de nos ancêtres pendant des décennies. Elle a non seulement fait connaître nos tapis au niveau international, mais elle a aussi insuffléuneconfianceànosfemmes acadiennes par les nombreux talents qu’elle a partagés avec elles. On peut ressentir tout cela et bien plus encore dans l’histoire passionnante relatée par Edward Langille.

     Lillian Burke a laissé tout un héritage à l’industrie du tapis de Chéticamp. Un legs qui est encore bien visible dans les œuvres d’art locales d’aujourd’hui et qui le demeurera encore longtemps.

Lisette Bourgeois